Le chapelain, ma femme… et moi

Mars et Venus surpris par Vulcain par Louis-Jean-François LAGRENEE (1725-1805) Musée du Louvre

Mars et Venus surpris par Vulcain par Louis-Jean-François LAGRENEE (1725-1805) Musée du Louvre

Parmi les documents relatifs à l’histoire du Poitou qui sont consultables sur Gallica, nous trouvons 12 volumes qui regroupent les actes royaux du Poitou entre 1302 et 1483. Il s’agit du « Recueil des documents concernant le Poitou contenus dans les registres de la chancellerie de France » qui avait été publié au XIXe siècle par Paul GUERIN (1845-1911), archiviste-paléographe aux Archives nationales.

Ces textes révèlent des renseignements sur les institutions et l’histoire des villes ou des communautés religieuses mais également sur les mœurs de la population.

Au détour des textes qui sont au demeurant très sérieux, nous avons déniché cette lettre de rémission dont l’histoire est digne d’un vaudeville qui aurait pu inspirer quelques bons auteurs de comédies de boulevard. (parution dans le Herage n° 45)

Rémission accordée à André GAUVAIN, de Senillé, pour le meurtre de frère Jean TRANCHÉE, religieux de Saint-Hilaire de la Celle et chapelain de Senillé, qui avait séduit sa femme.

Charles, par la grâce de Dieu roy de France, nous faisons savoir à tous, présents et avenir, que nous a été exposé la cause d’André GAUVAIN, pauvre laboureur de la paroisse de Senillé près Châtellerault.

La nuit suivant le dimanche après la dernière Toussaint, le dit exposant et sa femme étaient couchés en leur lit bien tard et lui endormi, lorsque feu frère Jehan TRANCHÉE, religieux de Saint Hilaire de la Celle et chapelain de la dite paroisse, est venu dans sa maison et s’introduisit dans le lit où lui et sa femme étaient couchés et se prit à la dite femme pour avoir sa compagnie charnelle.

Alors que le dit exposant s’éveilla et entendit que le dit religieux se couchait au côté de sa femme et voulait avoir sa compagnie, il en fut très courroucé. Le dit exposant se prit au dit religieux et pensa le frapper d’un bâton, mais le dit religieux s’échappa et s’en alla de la maison. Le dit exposant irrité par les faits, frappa un peu sa femme, et lors, ainsi comme il la battait, le dit religieux l’entendit et vint à la porte du dit exposant, en lui disant : « villain matin, tu as battu et bas ta femme pour et en despit de moy. Ys hors de ton hostel, car il n’est plus riens de toy », et plusieurs autres menaces et paroles injurieuses.

Alors le dit exposant prit en son poing une petite hache et sortit. Et sitôt dehors, le dit religieux lui couru après et voulut le frapper violemment d’une grande barre de bois qu’il tenait en sa main ; et ainsi comme le dit exposant vit venir le coup, se recula un peu et pour peur que le dit religieux ne le tua et pour parer à son malice, le frappa à la tête d’un seul coup de la dite hache. Après ce coup, le religieux s’en alla chez lui et se coucha en son lit. Parce que le dit religieux ne se fit point visiter ou autrement, mort s’ensuivit en sa personne. Le dit exposant, redoutant la rigueur de la justice, s’est absenté du pays, où il n’oserait jamais retourner, si notre grâce ne lui était accordée.

En nous requérant humblement, vu que le dit exposant a toujours été de bonne réputation, renommée et conversation honnête, sans avoir été accusé d’aucun autre vilain blâme et qu’il est chargé de femme et de 4 petits enfants, lesquels sont en aventure d’être à tout jamais pauvres et mendiants, sur ce nous voulons lui accorder notre grâce.

Pour quoi nous, ces choses considérées, etc., à André GAUVAIN, au cas dessus dit, avons acquitté, remis et pardonné, etc. Donnons en mandement au bailli des ressors et Exemptions de Touraine, d’Anjou, du Maine et de Poitou, etc. Donné à Tours, au mois de novembre l’an de grâce mil trois cent quatre vingt et onze, et de notre règne le 12e.

Source : Les Archives historiques du Poitou volume 6 (lien Gallica)

Amour, amour, quand tu nous tiens,
On peut bien dire :  » Adieu prudence! »
(Le loup amoureux, Jean de La FONTAINE)

 

 

 

De Liège à la paroisse de St-Saturnin de Poitiers

Par Thierry PÉRONNET (adhérent CGP n° 154)

Vers 1685 trois frères Jean, Englebert et Geoffroy DEMARNEF partent de Liège pour chercher fortune comme libraires et imprimeurs en France. Englebert et Geoffroy s’installent à Paris rue St-Jacques au Pélican, Jean de son côté choisit Poitiers la rue du marché en face de la tour Maubergeon à deux pas de l’église Notre-Dame-la-Petite où se trouve sa boutique de libraire-imprimeur au nom du Pélican.

le Pélican

COTEREAU (Claude). Du devoir d’un capitaine et chef de guerre. Aussi du combat en camp cloz, ou duel. Poitiers, à l’enseigne du Pélican [Jean et Enguilbert de MARNEF], 1549. In-4, couverture de vélin de réemploi (Reliure de l’époque)

Cette famille laissera une petite réputation dans le microcosme de la bibliophilie actuelle. Jean aura une descendance et donnera en héritage le prénom rare Englebert qui se retrouve sous la forme Enguibert-Anguibert et qui se transmettra sur plusieurs générations, sur plus de 150 ans, par la magie de la tradition familiale.

Cela commence par un fils de Jean, ensuite une petite fille Radegonde, nièce de ce premier Anguibert DEMARNEF poitevin (° vers 1500 + 1568), mariée en 1570 avec Thomas GARNIER le fils d’un apothicaire dont la boutique était dans l’actuel square Jeanne d’Arc à la tour Maubergeon. Elle prénomme un de ses enfants Anguibert (° 1587 St-Didier + 1650 St-Jean-Baptiste). Le dernier porteur connu sera un petit fils du précédant un certain Anguibert LADMIRAULT (° 1638 St-Hilaire-le-Grand + 1663).

La porte du pont Joubert à Poitiers gravure d'après un dessin de Charles Rauch (1791-1857), extrait de Guide Pittoresque du Voyageur en France, 1834

La porte du pont Joubert à Poitiers
gravure d’après un dessin de Charles Rauch (1791-1857), extrait de Guide Pittoresque du Voyageur en France, 1834 (voir Gallica)

Mais cette famille ne fut pas la première à introduire ce prénom en Poitou, on le retrouve caché dans la toponymie de la cité Pictave. Dans le livre issu d’un travail collectif « Du faubourg St-Saturnin au faubourg du Pont-Neuf : 3000 ans d’histoire »l’un des auteurs, Isabelle SOULARD, écrit que Ingelbert, prévôt du comte-duc Guy-Geoffroy-Guillaume fils de Guillaume V le Grand et d’Agnès de Bourgogne, a donné son nom au « Pontem Engelberti » cité en 1086 dans une charte. Ce Pontem Engelberti, c’est le pont Joubert qui relie la ville de Poitiers proprement dite au faubourg St-Saturnin, c’est l’un des plus vieux ponts de Poitiers qui était fortifié comme on peut le voir sur certaines gravures et peintures montrant le Poitiers de l’ancien régime.

La paroisse de St-Saturnin était essentiellement rurale, peuplée de fermiers, de métayers et de vignerons avec un bourg autour de l’église et le long du Clain où demeurent des artisans. On y retrouve la structure sociologique de toute bonne paroisse rurale du Poitou. Les bords de la rivière concentrent les métiers liés à l’eau : les meuniers, les tanneurs entre autres. Cette paroisse fait le lien entre la campagne à l’est de Poitiers et la ville proprement dite, la jonction se faisant par le pont Joubert porte d’entrée orientale de la cité Pictave qui se prolonge par la Grand-Rue, le decumanus de la ville romaine (le decumanus étant l’axe principal est-ouest, le cardo lui étant l’axe nord-sud).

La grande route de Poitiers à Bourges passe par St-Saturnin. Le plus vieux monument de Poitiers qui se trouve dans cette paroisse, c’est la Pierre Levée, un dolmen, qui fut érigé selon Rabelais par Pantagruel. Les deux frères Enguibert et Jean DEMARNEF de la seconde génération poitevine d’imprimeurs-libraires ont édité en 1533 le « Pantagruel » de Rabelais.

St-Engelbert St-Engelbert archevêque de Cologne (° 1185 au Schloss Burg + 1225 à Gevelsberg) était très connu et apprécié sous l’ancien régime dans la région de Liège où de nombreuses personnes portèrent son patronyme.

Pour en savoir + (par Maria FAUGERE CGP n° 2866)

« L’imprimerie & la librairie à Poitiers pendant le XVIe siècle »
par M. A. de la BOURALIERE, Mémoire de la Société des Antiquaires de l’Ouest,
tome XXIII, anée 1899, à télécharger ici.
(voir à partir de la page 72 le chapitre relatif à Jean II et Enguilbert II de MARNEF)

« Du faubourg St-Saturnin au faubourg du Pont-Neuf : 3000 ans d’histoire »
240 pages illustrées et agrémenté de 150 photos et illustrations proposées par des particuliers et dénichées chez des collectionneurs. Edité par le Comité du quartier Autour du Pont-Neuf. Vendu au prix de 17 €.
Contact et information pour acquérir le livre. Comité de quartier autour du Pont-Neuf, tél. 06.72.48.78.71.

 

Le château médiéval du Bignolas

Par Thierry PÉRONNET (adhérent CGP n° 154)

Vue aérienne de Bignoux © Photo Philippe MAGNAN

Vue aérienne de Bignoux © Photo Philippe MAGNAN (cliquez sur la photo pour l’agrandir)

L’ancien se cache partout y compris sous nos pieds et non pas seulement dans les vieux écrits. Quand on regarde une vue aérienne de Bignoux on remarque rapidement une anomalie dans le plan des routes, dans la répartition des constructions. Il y a un ensemble circulaire qui semble apparaître sans que rien dans le paysage n’influence la disposition urbaine, le terrain est très plat et nul ruisseau n’y serpente. On est sur le plateau calcaire entre les vallées du Clain et de la Vienne. L’association du « Patrimoine Bignolais » possède une vue aérienne datant des années 60, avant l’explosion des constructions nouvelles. Sur cette photo, des jardins dessinent un arc de cercle qui prolonge une courbe de la voie principale, courbe que nul accident du terrain justifie ; l’ensemble formant plus des trois quarts d’un cercle complet.

Comment expliquer ce cercle dans le tissu urbain ? Qu’est-ce qui a pu orienter ce singulier plan des propriétés ? Pourquoi la route s’incurve-t-elle sans raison ? Il faut chercher paradoxalement la solution dans la nature sans accident du terrain du centre-bourg de Bignoux et remonter le temps.

À la fin de l’Empire Romain, de la Pax Romana, les campagnes se sont révélées sensibles aux attaques de toutes sortes, armées en marche, bandes de pillards, raids de voisins belliqueux, ambitions de petits seigneurs locaux. La réponse a été de fortifier les villages en utilisant si possible une hauteur géographique. Pour les terrains plats, pour pallier au manque d’éminence naturelle, la solution a été de créer des espaces fortifiés sous forme de motte artificielle surmontée d’un rempart circulaire en rondins de bois, entourée d’un fossé défensif dont l’extraction des matériaux a servi à édifier la motte proprement dite.

Le village de Bignoux a dû posséder une telle infrastructure. Le temps et l’activité humaine ont fini par faire disparaître les éléments hors sol et aplanir le relief artificiel, comme beaucoup de ces constructions dont leur trace peut persister dans le cadastre, dans la disposition des terrains. On peut donc avancer sans trop de crainte que le singulier cercle dans l’espace urbain de Bignoux est à l’emplacement de son château médiéval disparu, l’impasse de la Vallée est son diamètre, elle révèle où devait se trouver l’entrée de ce fort, en son début.

On peut par ailleurs repérer des emplacements similaires mais moins visibles dans les communes de Liniers et de la Chapelle-Moulière proches de Bignoux où des voies de circulation s’incurvent sans raisons apparentes.

Photo aérienne de Bignoux © Google street view

Photo aérienne de Bignoux © Google street view (cliquez sur la photo pour l’agrandir)

Accoucheuse jusqu’à son dernier souffle

Le 15 avril 1773, les Affiches du Poitou rendent hommage à une centenaire de Jardres.

« La nommée Françoise Bodin, veuve en troisièmes noces de Pierre Multeau, maréchal au village de Pressac, Paroisse de Jardres, à une lieue de Chauvigny, est morte depuis peu, âgée d’environ 105 ans, sans avoir eue jamais aucune maladie, pas même la petite vérole, ni la rougeole. Son premier état, jusqu’à l’âge de 25 ans a été celui de Couturière, & depuis jusqu’à l’âge de 102 ans, elle n’a exercé que celui d’accoucheuse. Elle n’a eu d’autre infirmité pendant toute sa vieillesse qu’un peu de surdité. Elle n’est morte que parce que la nature défailloit, & sans douleur ; elle travailloit encore 10 jours avant sa mort, & elle a joui de toute sa raison jusqu’au dernier moment. »

Françoise BODIN a été inhumée le 23 mars 1773 à Bonnes en présence de Pierre DION, François ORILLARD, Marie DION et Magdeleine DION (AD 86 – BMS 1761-1773 vue 118). Elle était dite âgée de 100 ans sur son acte d’inhumation.

Elle avait épousé Pierre MULTEAU, maréchal, le 24 septembre 1720 à Chauvigny (AD 86 -BMS 1713-1720 vue 95). Elle avait alors une cinquantaine d’années. Son époux était décédé depuis le 11 avril 1748 à Jardres (BMS 1737-1751 vue 60) et avait épousé auparavant Jeanne MOREAU, en premières noces, le 08 janvier 1645 à Chauvigny (BMS 1693-1713 vue 25) et Marie NEGRIER, en secondes noces, le 12 février 1703 à Poitiers (BMS 1702-1704 vue 31).

Françoise BODIN semble avoir eu une longue carrière en tant qu’accoucheuse et ce jusqu’aux derniers jours de sa vie. Son expérience et sa pratique avaient sans doute été reconnus par la communauté.

***

L'art de l'accouchementDurant tout le moyen âge, les « accoucheuses » n’étaient pas formées et avaient peu de connaissances théoriques. Ces femmes étaient désignées par le terme de « matrones » ou « ventrières ». A cette époque, la matrone devait aider les femmes à mettre au monde leurs enfants mais elle exerçait également un rôle social et religieux (présentation de l’enfant sur les fonts baptismaux).

Elle était souvent âgée et désignée par l’ensemble des femmes de la paroisse en présence du curé. N’importe qui pouvait prétendre être matrone : pour assister une femme en couches, il fallait avoir subi soi-même l’épreuve de l’accouchement. Le fait d’avoir une nombreuse progéniture qualifiait d’autant plus pour cette fonction. A défaut de mère de famille, la femme mariée sans enfant pouvait être acceptée par la communauté et le curé pour qui le mariage était un gage de moralité.

Angélique Marguerite du COUDRAY (1712-1794)

Angélique Marguerite du COUDRAY (1712-1794)

Au XVIIIe une femme va révolutionner l’enseignement de l’accouchement. Munie d’un brevet royal délivré par Louis XV qui l’autorise à donner des cours dans tout le royaume, Angélique Marguerite du COUDRAY va entreprendre à partir de 1759 un voyage de 25 ans à travers toute la France pour enseigner l’art de l’accouchement. Elle va publier un « Abrégé de l’art des accouchements » qu’elle va illustrer de gravures en couleur et concevoir le premier « mannequin obstétrique ». Au cours de la formation qui durait deux mois les élèves étaient invitées à s’exercer sur le mannequin. Cet enseignement pratique du geste obstétrical correspondait à la volonté d’Angélique du COUDRAY de rendre ses leçons « palpables » puisqu’elle s’adressait à des femmes de la campagne peu instruites et « des esprits peu accoutumés à ne rien saisir que par les sens ». Ces formations vont contribuer à une importante diminution de la mortalité infantile.

Les bienfaits de cet enseignement sont ainsi présentés dans les Affiches du Poitou le 25 février 1773 dans un article intitulé « Cours public & gratuit sur l’art de l’accouchement« .

« Le public est averti que le sieur Maury, Maître en chirurgie de la ville de Poitiers, y commencera les leçons publiques & particulières sur l’art des accouchements le 15 du mois de mars prochain, & se servira pour les démonstrations de la machine composée par la Dame du Coudray, Maîtresse sage-femme de Paris, brevetée du Roi ; auxquelles leçons seront reçues gratuitement les élèves qui se présenteront tant des villes que des paroisses de campagne, même celles que les seigneurs des paroisses, les officiers municipaux des villes, & habitants de gros bourgs jugeront à propos d’y envoyer, pour se former ; à la charge de représenter avant leur admission, un certificat du curé ou vicaire de leur paroisse, qui constate leurs bonnes vie & mœurs. Cet établissement dont on a ressenti jusqu’à présent les meilleurs effets, a pour but un objet trop précieux à l’humanité, pour n’être pas persuadé qu’on s’empressera à en profiter. »

Visite à Poitiers d’un petit personnage de très haut rang

Au cours de nos recherches ou relevés, nous dénichons parfois des actes qui sortent de l’ordinaire. Les curés allaient de temps en temps au delà du recensement des événements religieux de leurs ouailles et utilisaient les registres pour faire leurs comptes ou témoigner sur des phénomènes météorologiques ou épidémiques. En 1722, à Poitiers, le curé de Sainte Radegonde évoque la visite d’un petit personnage de haut rang :

BMS 1721-1722 vue 39/64

BMS 1721-1722 vue 39/64

Le treizième jour de février mil sept cent vint et deux à quatre heures du soir est arrivé en cette ville l’Infante d’Espagne fille de Philippe cinquième du nom, roy d’Espagne de la maison de Bourbon de France aagée de près de quatre ans pour aller épouse Louis quinzième du nom roy de France son cousin issu de germain qui a douze ans. On luy a rendu les mêmes honneurs qu’à la reine lui donnant même cette qualité dans toutes les harrangues qui lui ont été faites. Près de trois cents gentilhommes ont été au devant d’elle jusqu’à Croutelle et l’ont conduites près le Grand Pont. Monsieur le Marquis de la Carte Thibault était à la tête de cette brillante noblesse par ordre de Philippe d’Orléans, Régent de France ayant tenu table ouverte de plus de cent couverts pendant quatre jours que la reine a été à Poitiers. On a tapissé les rues de son passage depuis la porte de la Tranchée jusqu’au plan de Saint-Didier où elle a logé et en partant depuis Saint-Didier jusqu’à la porte de Paris. Madame la Duchesse de Ventadours, Madame la Princesse de Soubise et plusieurs autres dame de la cour accompagnaient la reine en ce voyage. Le régiment de Gresbrian Dragons en ganison ici pour ce passage y brilloit. Enfin toute notre ville s’est signalée pour cette réception en sorte que toute cette Cour a bien voulu convenir que nous l’avions emporté sur tous les autres endroits de leur route. Dieu veule que le Roy fasse attention au bon cœur de nos habitants et de notre province. Amen (déniché et transcrit par Thérèse BRILLANCEAU CGP 212 – paru dans Herage num 40 – mars 1993)

Louis XV et sa fiancée Marie-Anne de Bourbon par François de Troy en 1723 (Palais Pitti)

Louis XV et sa fiancée Marie-Anne de Bourbon par François de Troy en 1723 (Palais Pitti)

Attardons nous un peu sur certains protagonistes cités dans l’acte.

L’Infante d’Espagne

Ainsi, nous avons une trace du passage « en fanfare » à Poitiers de l’Infante Marie-Anne Victoire de BOURBON fille de Philippe V d’Espagne, petit-fils de Louis XIV, et d’Elisabeth FARNÉSE. Elle était en route pour rejoindre à Versailles son futur époux Louis XV. Cette union devait améliorer les liens entre la France et l’Espagne qui avaient été fortement malmenés les années précédentes. Cette petite poupée, que l’on appellera « l’infante-reine », demeurera toutefois une fiancée éphémère. En effet, elle sera renvoyée en Espagne à l’âge de 7 ans après la rupture brutale des fiançailles. Pour en savoir plus, voir l’article de « Plume d’Histoire ».

Madame de Ventadour

La présence de Charlotte-Éléonore Magdeleine de LA MOTHE-HOUDANCOURT s’explique par son rôle de gouvernante de Louis XV. Elle occupe cette charge depuis 1710. Elle était déjà gouvernante des enfants royaux depuis 1704. Des liens très proches vont se tisser entre Madame de VENTADOUR et Louis XV : il l’appelait tendrement sa « chère maman » et « maman Ventadour ». Preuve de l’attachement et de la confiance du roi, c’est Marie-Isabelle-Angélique-Gabrielle de ROHAN-SOUBISE, duchesse de TALLARD, petite fille de Madame de VENTADOUR, qui aura la charge d’élever les enfants de Louis XV.

Madame de Soubise

Anne Julie Adélaïde de MELUN d’ÉPINAY, arrière petite-fille d’Henri IV, épouse de Jules François Louis de ROHAN (petit-fils de Madame de VENTADOUR, prince de Soubise et capitaine lieutenant des gendarmes de la garde) devait probablement accompagner la grand-mère de son mari au cours de ce déplacement. En avril 1722, elle sera nommée gouvernante des enfants de France en survivance et conjointement avec Madame de VENTADOUR. En mai 1724, elle décédera de la petite vérole à l’âge de 25 ans, tout comme son mari qui l’aura précédée de quelques jours.

La marche et l'arrivée de l'Infante-Reine à Paris (Source : Gallica)

La marche et l’arrivée de l’Infante-Reine à Paris (Source : Gallica)