Pourquoi devons nous écrire l’histoire de nos familles ?

Le Cercle Généalogique Poitevin a lancé il y a quelques semaines un atelier écriture pour donner la possibilité à ceux qui le souhaitent de partager leurs trouvailles et leurs histoires généalogiques.

La prochaine réunion est programmée le samedi 25 novembre à partir de 10 h au siège du CGP et toujours autour d’un petit déjeuner chaleureux. N’hésitez pas à venir pousser la porte.

Si vous ne pouvez pas venir mais que vous souhaitez participer à ce projet, faites le savoir à atelier_ecriture@herage.org.

Si l’idée vous séduit mais vous n’osez pas vous lancer, peut être serez vous convaincus par l’article de notre adhérente Yvette VUBET (CGP n° 173) qui avait été publié en mars 1998 et qui déjà à l’époque s’interrogeait sur la nécessité d’écrire !

Tout est dit : simplement mais passionnément ! Je vous laisse découvrir :

ECRIRE(publié dans le Herage n° 60, mars 1998, p. 6)

Quand je dis à mes amis, généalogistes ou non, que j’écris l’histoire de ma famille et celle des ancêtres de mes enfants, on me répond le plus souvent : « j‘aimerais bien le faire, mais je ne sais pas écrire » ou « je ne sais pas comment m’y prendre » ou bien encore « je n’ai pas le temps« … Le problème est le même pour tous.

Nous, les généalogistes, nous ne sommes pas forcément des écrivains, mais nous savons écrire. Le poète n’a-t-il pas dit « ce que l’on conçoit bien, s’énonce clairement« . Ainsi ce que nous connaissons bien, c’est-à-dire l’histoire de nos ancêtres, doit pouvoir s’écrire simplement.

Il ne s’agit pas de concevoir un livre avec de belles phrases, contenant les mots justes comme l’a fait Jean DELAY dans les quatre tomes de “Avant-mémoire” ou Marguerite YOURCENAR dans « Souvenirs pieux » et « Archives du nord ». Nos lecteurs seront moins nombreux !

J’ai pu constater que les anecdotes sur les ancêtres proches et les biographies reconstituées grâce à la généalogie que je leur raconte parfois, intéressent mes enfants ; mais ils oublient. D’où la nécessité d’écrire. Les grands arbres généalogiques ne les touchent pas, ils s’y perdent, quand nous, nous y montons avec délice ! Et puis, des noms, des dates, ce n’est pas vivant.

J’avais déjà écrit quelques histoires, depuis plusieurs années et je me disais qu’il fallait composer une histoire de Camille, mais comment faire ? que j’essayerai plus tard… Effectuant des recherches depuis presque quinze ans, j’ai pensé à cela en 1996 et j’ai senti que le moment était venu de mettre en forme mes recherches généalogiques en dehors des tableaux trop secs et des listes d’ancêtres qui n’intéressent que les spécialistes.

Pour commencer, j’ai donc écrit une introduction à ”La vie des ancêtres de nos enfants” dans laquelle, j’explique les régions d’origine différentes de leurs parents, leurs grands-parents étant venus de l’Est et du Berry la même année 1950 habiter à Châtellerault pour des raisons professionnelles. Puis j’ai résumé les points forts de la vie de leurs ancêtres, ceux sur lesquels je sais beaucoup de choses. Certains d’entre eux sont vraiment exceptionnels par leurs histoires peu communes. Ensuite, j’ai quand même fait un tableau pour qu‘ils se retrouvent un peu, avec leurs parents, leurs grands-parents et leurs huit arrière-grands-parents. Enfin, j’ai agrémenté tout cela avec des photos anciennes photocopiées laser, une véritable révolution de l’image, certaines photos jaunies sont plus belles en photocopies qu’en originales ! […]

Les généalogistes sont des gens actifs, ils s’intéressent à beaucoup de choses pour compléter l’histoire de leurs ancêtres et bien sûr ils manquent de temps, même si les activités n’existent plus. Pourtant, je pense qu’il faut prendre le temps d’écrire. Il faut le faire plus ou moins longtemps, par période, quand on en a vraiment envie. Il ne faut pas croire qu’on le fera plus tard, quand ? Les recherches ne sont jamais finies…

J’ai conscience actuellement d’être la seule à connaître l’histoire de notre famille ayant beaucoup interrogé parents et beaux-parents qui ne sont plus là. Je possède beaucoup de notes et de documentations, mais je suis seule à m’y retrouver ! Si je n’écris pas ce que je sais, cette mémoire sera perdue et ce serait dommage. Il en est de même pour tous, nous avons le devoir d’écrire.

Par ailleurs, les généalogistes connaissent beaucoup de choses intéressantes pour les autres : trouvailles, anecdotes, histoires curieuses ; la vie de certains de nos ancêtres sont de véritables romans. Alimentons les pages de nos revues généalogiques pour faire vivre nos cercles si utiles pour nos recherches. Chacun de nous peut le faire quelque soit son talent.

Ecrivons !

Curzay-sur-Vonne : les registres disparaissent…deux curés en perdent la tête !

Eglise St Martin de Curzay-sur-Vonne, façade occidentale

Eglise St Martin de Curzay-sur-Vonne, façade occidentale

René GALLOIS est arrivé à la cure de Curzay en mai 1791. Auparavant, il était aumônier à Menigoute (79). En 1792, il procède à un inventaire des registres paroissiaux et note le constat suivant :

« Je curé de la paroisse de Curzay, district de Lusignan, ayant fait à mon entrée dans ladite cure l’examen des registres de naissances, mariages et décès en la dite commune, n’y ay pas trouvé celui de l’an mil sept cent quatre vingt deux, en ayant fait des perquisitions on m’a répondu que le sieur Galtier ancien curé de la paroisse l’ayant laissé tomber dans quelques liquides gras, un chien l’avait emporté et mangé ». Curzay le 2 février mil sept cent quatre vingt douze signé Gallois (déniché et transcrit par Thèrese LIOT CGP 539 – publié dans la revue Herage n. 54 page 21)

En 1792, le curé a donc perdu une année sur le registre. Et pourtant en parcourant les registres des archives départementales de la Vienne en ligne, on trouve bien les actes de cette année là. Un double avait sans doute été déposé au greffe du bailliage comme cela avait été rendu obligatoire par l’Ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539.

Il est assez cocasse de constater que la perte de ce registre a touché deux curés qui ont fini par perdre la tête : l’un par la guillotine et l’autre par une femme.

Antoine GALLETIER a été curé de Curzay de 1780 à avril 1791. Âgé de 52 ans, il avait refusé de prêter serment à la constitution civile et pourtant « il n’en continuoit pas moins à veiller au salut de ses paroissiens, malgré la loi de déportation » (2). Il sera arrêté et conduit le 9 avril 1793 à la prison de la visitation de Poitiers. Le tribunal du département de la Vienne, siégeant à Poitiers, et devant lequel il comparut pour être jugé, prononça contre lui une sentence de mort en le qualifiant de « prêtre réfractaire ». Il sera guillotiné sur la place du Pilori (1) le 18 mars 1794 avec seize autres prêtres réfractaires.

René GALLOIS restera à la cure de Curzay de mai 1791 à décembre 1792. Par la suite on retrouvera sa signature à Curzay en tant qu’officier public (avril 1794), puis instituteur public (1798). En 1801, il apparaîtra comme adjoint au maire et enfin comme maire de novembre 1910 à février 1816. Entre-temps, le curé s’était marié ! Le 13 ventôse de l’an II, René, âgé de 35 ans, épousera Marie Jeanne DUCARROY, âgée de 23 ans. Bien qu’étant domiciliée au bourg de Curzay en 1794, elle était originaire de Ménigoute où elle était née. On peut supposer que le curé l’avait connue et fréquentée à Ménigoute où il officiait en tant qu’aumônier et peut être même qu’il l’avait amenée avec lui à Curzay-sur-Vonne. Le couple aura au moins 5 enfants tous nés à Curzay. La famille s’intallera à Monts-sur-Guesnes où René continuera à exercer le métier d’instituteur ainsi que 2 de ses enfants. René et Marie Jeanne finiront leur vie à Monts-sur-Guesnes, le premier en 1832 et la seconde en 1844.

(1) La place du Pilori est ainsi nommée depuis 1307. C’est à cet endroit que les malfaiteurs sont exposés à la foule pour servir d’exemple et qu’on installe la guillotine pendant la Révolution. Cette place est rebaptisée place de la Liberté en 1900. La loge maçonnique y fait ériger en 1903 une statue de la Liberté éclairant le monde, copie réduite de l’œuvre de Bartholdi offerte à la ville de New York. (Source : OT de Poitiers)

Nota : Brigitte Snejkovsky a également relevé des curiosités sur le registre de Curzay-sur-Vonne sur son blog « Chroniques d’antan et d’ailleurs ».


Sources et liens :

AD 86, Geneanet

Monographie « Rouillé : son origine, son histoire : paroisse de Rouillé » par Hilaire Baudoin, édition :  1912 (sur Gallica)

Le site « Les Guillotinés de la révolution française »

(2) Extraits du « Martyrologe du clergé français pendant la révolution », ed 1840

Accoucheuse jusqu’à son dernier souffle

Le 15 avril 1773, les Affiches du Poitou rendent hommage à une centenaire de Jardres.

« La nommée Françoise Bodin, veuve en troisièmes noces de Pierre Multeau, maréchal au village de Pressac, Paroisse de Jardres, à une lieue de Chauvigny, est morte depuis peu, âgée d’environ 105 ans, sans avoir eue jamais aucune maladie, pas même la petite vérole, ni la rougeole. Son premier état, jusqu’à l’âge de 25 ans a été celui de Couturière, & depuis jusqu’à l’âge de 102 ans, elle n’a exercé que celui d’accoucheuse. Elle n’a eu d’autre infirmité pendant toute sa vieillesse qu’un peu de surdité. Elle n’est morte que parce que la nature défailloit, & sans douleur ; elle travailloit encore 10 jours avant sa mort, & elle a joui de toute sa raison jusqu’au dernier moment. »

Françoise BODIN a été inhumée le 23 mars 1773 à Bonnes en présence de Pierre DION, François ORILLARD, Marie DION et Magdeleine DION (AD 86 – BMS 1761-1773 vue 118). Elle était dite âgée de 100 ans sur son acte d’inhumation.

Elle avait épousé Pierre MULTEAU, maréchal, le 24 septembre 1720 à Chauvigny (AD 86 -BMS 1713-1720 vue 95). Elle avait alors une cinquantaine d’années. Son époux était décédé depuis le 11 avril 1748 à Jardres (BMS 1737-1751 vue 60) et avait épousé auparavant Jeanne MOREAU, en premières noces, le 08 janvier 1645 à Chauvigny (BMS 1693-1713 vue 25) et Marie NEGRIER, en secondes noces, le 12 février 1703 à Poitiers (BMS 1702-1704 vue 31).

Françoise BODIN semble avoir eu une longue carrière en tant qu’accoucheuse et ce jusqu’aux derniers jours de sa vie. Son expérience et sa pratique avaient sans doute été reconnus par la communauté.

***

L'art de l'accouchementDurant tout le moyen âge, les « accoucheuses » n’étaient pas formées et avaient peu de connaissances théoriques. Ces femmes étaient désignées par le terme de « matrones » ou « ventrières ». A cette époque, la matrone devait aider les femmes à mettre au monde leurs enfants mais elle exerçait également un rôle social et religieux (présentation de l’enfant sur les fonts baptismaux).

Elle était souvent âgée et désignée par l’ensemble des femmes de la paroisse en présence du curé. N’importe qui pouvait prétendre être matrone : pour assister une femme en couches, il fallait avoir subi soi-même l’épreuve de l’accouchement. Le fait d’avoir une nombreuse progéniture qualifiait d’autant plus pour cette fonction. A défaut de mère de famille, la femme mariée sans enfant pouvait être acceptée par la communauté et le curé pour qui le mariage était un gage de moralité.

Angélique Marguerite du COUDRAY (1712-1794)

Angélique Marguerite du COUDRAY (1712-1794)

Au XVIIIe une femme va révolutionner l’enseignement de l’accouchement. Munie d’un brevet royal délivré par Louis XV qui l’autorise à donner des cours dans tout le royaume, Angélique Marguerite du COUDRAY va entreprendre à partir de 1759 un voyage de 25 ans à travers toute la France pour enseigner l’art de l’accouchement. Elle va publier un « Abrégé de l’art des accouchements » qu’elle va illustrer de gravures en couleur et concevoir le premier « mannequin obstétrique ». Au cours de la formation qui durait deux mois les élèves étaient invitées à s’exercer sur le mannequin. Cet enseignement pratique du geste obstétrical correspondait à la volonté d’Angélique du COUDRAY de rendre ses leçons « palpables » puisqu’elle s’adressait à des femmes de la campagne peu instruites et « des esprits peu accoutumés à ne rien saisir que par les sens ». Ces formations vont contribuer à une importante diminution de la mortalité infantile.

Les bienfaits de cet enseignement sont ainsi présentés dans les Affiches du Poitou le 25 février 1773 dans un article intitulé « Cours public & gratuit sur l’art de l’accouchement« .

« Le public est averti que le sieur Maury, Maître en chirurgie de la ville de Poitiers, y commencera les leçons publiques & particulières sur l’art des accouchements le 15 du mois de mars prochain, & se servira pour les démonstrations de la machine composée par la Dame du Coudray, Maîtresse sage-femme de Paris, brevetée du Roi ; auxquelles leçons seront reçues gratuitement les élèves qui se présenteront tant des villes que des paroisses de campagne, même celles que les seigneurs des paroisses, les officiers municipaux des villes, & habitants de gros bourgs jugeront à propos d’y envoyer, pour se former ; à la charge de représenter avant leur admission, un certificat du curé ou vicaire de leur paroisse, qui constate leurs bonnes vie & mœurs. Cet établissement dont on a ressenti jusqu’à présent les meilleurs effets, a pour but un objet trop précieux à l’humanité, pour n’être pas persuadé qu’on s’empressera à en profiter. »