Parmi les documents relatifs à l’histoire du Poitou qui sont consultables sur Gallica, nous trouvons 12 volumes qui regroupent les actes royaux du Poitou entre 1302 et 1483. Il s’agit du « Recueil des documents concernant le Poitou contenus dans les registres de la chancellerie de France » qui avait été publié au XIXe siècle par Paul GUERIN (1845-1911), archiviste-paléographe aux Archives nationales.
Ces textes révèlent des renseignements sur les institutions et l’histoire des villes ou des communautés religieuses mais également sur les mœurs de la population.
Au détour des textes qui sont au demeurant très sérieux, nous avons déniché cette lettre de rémission dont l’histoire est digne d’un vaudeville qui aurait pu inspirer quelques bons auteurs de comédies de boulevard. (parution dans le Herage n° 45)
Rémission accordée à André GAUVAIN, de Senillé, pour le meurtre de frère Jean TRANCHÉE, religieux de Saint-Hilaire de la Celle et chapelain de Senillé, qui avait séduit sa femme.
Charles, par la grâce de Dieu roy de France, nous faisons savoir à tous, présents et avenir, que nous a été exposé la cause d’André GAUVAIN, pauvre laboureur de la paroisse de Senillé près Châtellerault.
La nuit suivant le dimanche après la dernière Toussaint, le dit exposant et sa femme étaient couchés en leur lit bien tard et lui endormi, lorsque feu frère Jehan TRANCHÉE, religieux de Saint Hilaire de la Celle et chapelain de la dite paroisse, est venu dans sa maison et s’introduisit dans le lit où lui et sa femme étaient couchés et se prit à la dite femme pour avoir sa compagnie charnelle.
Alors que le dit exposant s’éveilla et entendit que le dit religieux se couchait au côté de sa femme et voulait avoir sa compagnie, il en fut très courroucé. Le dit exposant se prit au dit religieux et pensa le frapper d’un bâton, mais le dit religieux s’échappa et s’en alla de la maison. Le dit exposant irrité par les faits, frappa un peu sa femme, et lors, ainsi comme il la battait, le dit religieux l’entendit et vint à la porte du dit exposant, en lui disant : « villain matin, tu as battu et bas ta femme pour et en despit de moy. Ys hors de ton hostel, car il n’est plus riens de toy », et plusieurs autres menaces et paroles injurieuses.
Alors le dit exposant prit en son poing une petite hache et sortit. Et sitôt dehors, le dit religieux lui couru après et voulut le frapper violemment d’une grande barre de bois qu’il tenait en sa main ; et ainsi comme le dit exposant vit venir le coup, se recula un peu et pour peur que le dit religieux ne le tua et pour parer à son malice, le frappa à la tête d’un seul coup de la dite hache. Après ce coup, le religieux s’en alla chez lui et se coucha en son lit. Parce que le dit religieux ne se fit point visiter ou autrement, mort s’ensuivit en sa personne. Le dit exposant, redoutant la rigueur de la justice, s’est absenté du pays, où il n’oserait jamais retourner, si notre grâce ne lui était accordée.
En nous requérant humblement, vu que le dit exposant a toujours été de bonne réputation, renommée et conversation honnête, sans avoir été accusé d’aucun autre vilain blâme et qu’il est chargé de femme et de 4 petits enfants, lesquels sont en aventure d’être à tout jamais pauvres et mendiants, sur ce nous voulons lui accorder notre grâce.
Pour quoi nous, ces choses considérées, etc., à André GAUVAIN, au cas dessus dit, avons acquitté, remis et pardonné, etc. Donnons en mandement au bailli des ressors et Exemptions de Touraine, d’Anjou, du Maine et de Poitou, etc. Donné à Tours, au mois de novembre l’an de grâce mil trois cent quatre vingt et onze, et de notre règne le 12e.
Source : Les Archives historiques du Poitou volume 6 (lien Gallica)
Amour, amour, quand tu nous tiens,
On peut bien dire : » Adieu prudence! »
(Le loup amoureux, Jean de La FONTAINE)