Le 2 avril 1872, mon arrière arrière grand-mère, Louise Angèle REAU, met au monde dans la petite maison de son beau-frère et de sa sœur, François QUINTARD et Marie Magdelaine REAU, un petit garçon de père inconnu, Louis REAULT. Cette maison, nous dit l’acte de naissance, est située à la Paploterie, à Latillé.
C’est là que le couple habite depuis au moins octobre 1870, puisque que leur fille Marie Madeleine y meurt, le 11 octobre 1870.
Dans le recensement de 1872, la Paploterie est juste une ferme, avec une seule maison et un seul ménage, la famille de Pierre Texereau.
Dans le recensement de 1872, daté du 5 mai, les QUINTARD sont mentionnés comme habitants aux Clous, alors même qu’ils vivent à la Paploterie le 2 avril 1872, un mois plus tôt, et que l’année suivante c’est à la Paploterie que décède Marie Madeleine REAU, la mère de famille, tout juste âgée de 30 ans.
Même si le 5 décembre 1874 mon arrière grand-mère Marie Angèle QUINTARD, fille illégitime de François Quintard et de sa belle sœur Louise REAU, est déclarée comme née dans la maison de son père, dans le bourg de Latillé et non plus à la Paploterie, j’ai voulu en savoir plus sur l’endroit où se situait la ferme ou le hameau, peut-être retrouver une maison, quelques pans de murs abandonnés et couverts de végétation.
Sur le site Geoportail.fr, j’ai trouvé le lieu dit La Papeloterie, à l’extrême sud est de la commune.
Cependant, en agrandissant la vue, il n’y a aucune maison, aucun bâtiment mentionné sur la carte, pourtant très précise.
Alors j’ai plongé dans les archives, sur la piste de ce lieu qui ne semble plus exister qu’à travers un nom sur une carte.
Sur la carte N°67 de Cassini éditée vers 1770, le lieu est attesté, sous le nom de la Pateloterie, à proximité de la Roberderie et des hameaux de Haute et Basse Vende, en limite des paroisses de Latillé et Chiré-en-Montreuil.
Lors de l’établissement du cadastre dit napoléonien quelques dizaines d’années plus tard, on voit clairement la présence de deux bâtiments et d’un petit étang.
Le plan détaillé permet même de voir les lots assez nombreux et le nom des champs tout autour : le Champ du Devant, le Champ de la Porte, la plaine de la Pateloterie. Comme avant la Révolution, ce lieu dit est nommé PaTeloterie. Quelle est la signification de ce nom, d’où vient il ? Pour l’instant, je n’en sais rien.
Sur Geoportail, on peut consulter la carte de l’état-major, dressée entre 1820 et 1866. Le lieu dit y est indiqué, sous le nom de la Patelotière. Quelque soit le nom, l’endroit est clairement habité et exploité au 19è siècle.
Dans les relevés que je fais sur la commune de Latillé, la plus ancienne mention de ce lieu remonte à 1824, lors du mariage de Vincent GUILLOT et Louise GUILLON, le 28 septembre 1824. La jeune épouse est domiciliée à la métairie de la Paploterie avec sa mère.
Il est à noter que l’acte rédigé par le maire de Latillé indique le lieu comme PaPloterie, avec un P, alors que la carte de Cassini, établie à peu près à la même date, indique PaTEloterie, avec TE. P ou T, la différence à l’oreille n’est pas énorme, et c’est doucement le nom de Paploterie qui va s’imposer, rendant la recherche de son origine etymologique encore plus complexe.
Les recensements à Latillé sont identifiables par lieu à partir de 1841.
En 1841, il y a 2 maisons et 2 ménages à la Paploterie.
C’est la famille de Jacques SAINSOUX qui habite a priori la métairie, pendant que la famille de Joseph DAIGNE occupe une borderie sur le même lieu.
A chaque recensement jusqu’en 1861, ce sont des familles différentes qui habitent et vivent à cet endroit. Une à deux familles, entre 6 et 11 personnes, jamais les mêmes. Certaines familles ne sont que de passage apparemment sur la commune, je ne les retrouve pas dans ma base de données, quasiment complète entre 1872 et 1912. Cette grande mobilité est un signe de précarité tant au niveau professionnel : aucun métayer ou fermier ne reste assez longtemps sur les terres exploitées par la ferme de la Paploterie – qu’au niveau du domicile. La seconde maison du lieu, celle occupée par moments par des familles de journalier, semble être une maison de secours, louée de façon non continue, trop éloignée des lieux de vie – et de travail – de la population du village.
Lors du recensement de 1866, la Paploterie n’est pas mentionnée, comme ne l’est pas non plus le lieu dit de la Roberderie tout proche. S’agit -il d’une omission d’une partie plutôt éloignée du territoire, ou les deux fermes sont elles pour un temps vides d’habitants, leurs terres étant exploitées par d’autres cultivateurs ? Il faudrait des recherches plus détaillées pour le savoir.
A partir du recensement de 1872, l’occupation de la Papeloterie est plus régulière. La famille de Jules François TESSERAULT – souvent connu sous le prénom de Pierre – et de son épouse Marie Louise CHARPENTIER s’y installe avant mars 1870 et va y rester jusqu’après 1886. Ils gèrent la métairie du lieu. Leur succède la famille de Jacques BRUNET et Madeleine GARNIER, jusqu’au recensement de 1896. A partir de 1901 on trouve le couple Louis TEXERAULT et Louise LAROCHE, qui va continuer à vivre à la Paploterie après le décès de son mari, au moins jusqu’en 1926.
Après 1931 en revanche, les recensements ne mentionnent plus la Paploterie. N’est elle plus habitée ?
Geoportail met en ligne des photos aériennes du territoire français entre 1950 et 1965. En les consultant avec juxtaposition de la carte Ign classique, j’y vois bien des bâtiments sans pouvoir savoir s’ils sont ou non encore habités à l’époque. Mais le paysage correspond bien au paysage de semi bocage de mon enfance : des parcelles de champs entourées de haies.
La photographie aérienne équivalente que l’on peut consulter aujourd’hui sur Google Maps est parlante : les haies ont disparues, les champs sont devenus de grandes parcelles cultivées d’un tenant par des engins agricoles plus massifs ….. et les petites maisons de la Paploterie, devenues inutiles, ont disparu.
Rien, il ne reste rien de la petite maison où mes arrières arrières grands parents ont passé quelques années, pas même un muret de pierres sèches. Tout a été labouré et s’il ne restait pas la mention du lieu dit sur la carte de Geoportail, on ne saurait même plus situer cette ancienne ferme.
Entre les deux photos, le remembrement agricole a été accéléré par un décret de juin 1963 dans lequel l’Etat a pris en charge tous les frais de remembrement, dont auparavant 20% des dépenses restaient à la charge des propriétaires.
Sur le cadastre actuel, consultable en ligne, il reste encore 5 parcelles distinctes, là où le cadastre napoléonien en comptait plus d’une dizaine. Mais ces 5 parcelles ne forment plus qu’un grand champ, qui n’a rien gardé de son passé ou de son histoire.