Alors qu’il apprenait le décès de son père, survenu le 27 janvier 1848 à Curzay-sur-Vonne, François ARDOUIN, dit le Poitevin, compagnon du tour de France ou compagnon du devoir, était témoin de faits historiques majeurs : la Révolution Française de 1848, appelée aussi « Révolution de février», 3ème Révolution après celle de 1789 et de 1830. En effet, nous étions le 22 février 1848, François se trouvait à Paris où son tour de France en tant que compagnon du Devoir, l’avait conduit.
Au début de l’année 1840, François était alors âgé de 25 ans lorsqu’il partit de son village natal, Curzay-sur-Vonne, petite commune de 900 habitants dans l’ouest du département de la Vienne à 30 Km de Poitiers, pour réaliser son tour de France. Engagé comme apprenti chez Monsieur DELÉCHELLE, charpentier à Curzay-sur-Vonne, selon le recensement de 1836, François fait le choix de devenir menuisier ébéniste, alors que son père et son frère aîné exerçaient la profession de chaulier (ou chaufournier) et ceci, depuis plusieurs générations. François avait donc fait un autre choix professionnel, mais pour quelles raisons ?
Sa formation chez son patron de Curzay-sur-Vonne, le conduisit chez un autre artisan menuisier installé, lui, à Lusignan, chez lequel il fit des rencontres qui orienteront son avenir professionnel. Sa route croisera en effet, celle de Compagnons du devoir, dits « Dévorants » ouvriers faisant partie de cette société, les ouvriers de l’autre société étant appelés « les Gavots ».
Voici donc l’histoire insolite de François dit Le Poitevin et de son périple à travers la France.
Pour rappel, les Compagnons menuisiers ne se donnent pas de surnoms, ils s’appellent par leur nom de baptême et de pays comme « François le Poitevin », alias François ARDOUIN.
La rencontre avec ces compagnons à Lusignan suscite probablement beaucoup d’admiration chez François qui, face aux témoignages et récits de ces derniers, ne tarde pas à l’inciter à se lancer lui-même dans l’aventure sur les routes de France. Et le voilà parti encouragé par son patron, et avec le soutien familial, vers son destin, avec sa malle et son baluchon, à pied, sur la route qui le mène à la Rochelle, animé par le désir d’apprendre un métier et de découvrir son pays.
De rencontres en cours, de pratique en échanges, il acquiert un savoir professionnel, mais aussi personnel. Il devient Aspirant, grade qui constitue la première étape dans la voie du compagnonnage. L’Aspirant n’est adopté qu’après une période d’épreuves. Si son courage physique et moral et sa conduite ne sont pas jugés suffisants, l’Aspirant ne pourra jamais être reçu Compagnon.
Sa route se poursuit donc à Rochefort, puis à Bordeaux, vers le sud et il ne manque pas de faire part à sa famille de son périple et ses exploits, mais aussi de ses difficultés en leur écrivant de longues lettres, témoignage de son expérience et de son vécu. Ce partage épistolaire lui permet également d’avoir des nouvelles des siens, restés au pays, ce qui, probablement doit l’aider dans ses moments de solitude ou face aux difficultés qu’il doit probablement rencontrer dans une telle aventure.
Montpellier, Agen, Toulouse, Carcassonne, Marseille qu’il compte atteindre dans l’hiver 1844, toutes ses grandes villes qu’il va découvrir représentent pour lui, un véritablement enchantement. En chemin, il sera régulièrement confronté à des événements heureux, mais aussi à des catastrophes, qui lui font acquérir une certaine maturité. Il apprend la Vie. Finalement, il restera plus longtemps que prévu à Montpellier puisque le 21 septembre 1845 on retrouve sa trace par le biais du courrier envoyé à sa famille dans lequel il explique qu’il travaille à la cathédrale. Il en repartira par le train, nouvelle ligne, qui va de Nîmes à Marseille, le 24 mai 1847 où il ne restera pas très longtemps, à cause du choléra.
Enfin, il arrivera à Paris le 4 janvier 1848 soit 8 années après son départ de Lusignan, et après être passé par Lyon. Il apprendra peu de temps après, le décès de son père, survenu le 24 janvier 1848 à Curzay, ce qui l’affectera d’autant plus qu’il n’a pu être présent auprès des siens lors de ce moment difficile. Sa famille lui manque. Malgré l’expérience et la maturité acquises lors de tout son périple, la nouvelle est douloureuse et sa famille n’est pas là pour l’aider à supporter l’épreuve.
Et c’est ainsi qu’il sera témoin de la révolution de février 1848 qui secouera la France entière. Les 5 jours qu’a duré cet événement sont relatés dans le long courrier que François enverra à sa famille.
Vous pouvez visualiser la copie intégrale de ce courrier en cliquant ICI.
Ascendance de la famille ARDOUIN de Curzay-sur-Vonne
Je tiens à remercier Bernard ARDOUIN, sans lequel je n’aurai pas pu écrire cet article et on peut imaginer la fierté d’avoir un ancêtre aussi courageux. N’est-ce pas là la preuve d’une telle quête lorsque l’on se lance dans la longue aventure à la recherche de ses ancêtres ?
Pour en savoir plus :
Si vous rencontrez un ancêtre compagnon du tour de France, vous pouvez consulter le site du « Musée du compagnonnage de Tours« . Vous y trouverez des conseils pour vos recherche et aussi une base de données de compagnons sur une période récente avec parfois des photos et des informations sur son parcours compagnonnique.