Par Thierry PÉRONNET (adhérent CGP n° 154)
L’ancien se cache partout y compris sous nos pieds et non pas seulement dans les vieux écrits. Quand on regarde une vue aérienne de Bignoux on remarque rapidement une anomalie dans le plan des routes, dans la répartition des constructions. Il y a un ensemble circulaire qui semble apparaître sans que rien dans le paysage n’influence la disposition urbaine, le terrain est très plat et nul ruisseau n’y serpente. On est sur le plateau calcaire entre les vallées du Clain et de la Vienne. L’association du « Patrimoine Bignolais » possède une vue aérienne datant des années 60, avant l’explosion des constructions nouvelles. Sur cette photo, des jardins dessinent un arc de cercle qui prolonge une courbe de la voie principale, courbe que nul accident du terrain justifie ; l’ensemble formant plus des trois quarts d’un cercle complet.
Comment expliquer ce cercle dans le tissu urbain ? Qu’est-ce qui a pu orienter ce singulier plan des propriétés ? Pourquoi la route s’incurve-t-elle sans raison ? Il faut chercher paradoxalement la solution dans la nature sans accident du terrain du centre-bourg de Bignoux et remonter le temps.
À la fin de l’Empire Romain, de la Pax Romana, les campagnes se sont révélées sensibles aux attaques de toutes sortes, armées en marche, bandes de pillards, raids de voisins belliqueux, ambitions de petits seigneurs locaux. La réponse a été de fortifier les villages en utilisant si possible une hauteur géographique. Pour les terrains plats, pour pallier au manque d’éminence naturelle, la solution a été de créer des espaces fortifiés sous forme de motte artificielle surmontée d’un rempart circulaire en rondins de bois, entourée d’un fossé défensif dont l’extraction des matériaux a servi à édifier la motte proprement dite.
Le village de Bignoux a dû posséder une telle infrastructure. Le temps et l’activité humaine ont fini par faire disparaître les éléments hors sol et aplanir le relief artificiel, comme beaucoup de ces constructions dont leur trace peut persister dans le cadastre, dans la disposition des terrains. On peut donc avancer sans trop de crainte que le singulier cercle dans l’espace urbain de Bignoux est à l’emplacement de son château médiéval disparu, l’impasse de la Vallée est son diamètre, elle révèle où devait se trouver l’entrée de ce fort, en son début.
On peut par ailleurs repérer des emplacements similaires mais moins visibles dans les communes de Liniers et de la Chapelle-Moulière proches de Bignoux où des voies de circulation s’incurvent sans raisons apparentes.