#ChallengeAZ │ U… Université de Poitiers, portraits de docteurs en médecine

Dans les cartons des Archives Départementale de la Vienne (AD86) on trouve une série de portraits inachevés sur velin, il y en a huit en tout (sources AD86 carton 27).

Un chercheur historien, ayant écrit un article sur ces peintures paru dans une des brochures de la Société des Antiquaires de l’Ouest (la SAO), date et identifie les personnages. Premièrement il y a une délibération de 1621 de l’université de médecine de Poitiers fixant la période et dans laquelle il y est dit que les docteurs régents en médecine avaient le droit d’avoir leur portrait dans un livre sur les règlements de cette université de médecine, livre qui était en cours de rédaction. Selon le rédacteur de l’article, on peut attribuer un nom aux quatre personnages dont le portrait est complet ou presque.

  • Pour la deuxième photo, celle d’un personnage fini à gauche et un personnage incomplet à droite, il s’agit de Jacob DE MAYRE.
  • Sur la troisième photo, celle avec le personnage complet à droite, il s’agit de Jean DE RAFFOU,
  • Sur la dernière avec les deux personnages complets, il s’agit de gauche à droite de Pascal LE COCQ l’herboriste et de François CYTOIS.

Les personnages peints ont une hauteur d’une douzaine de centimètres, c’est un travail fin, délicat, proche de la miniature et fait avec soin par quelqu’un qui maîtrise son art. L’artiste n’a pas oublié les emblèmes symboles de leur charge, comme la fleur pour l’herboriste.

On a donc là les portraits complets de quatre docteurs en médecine.

  • Jacob DE MAYRE est fils de Mathurin DE MAYRE sieur de la Randonnière et de Marie PINAULT. Il est docteur en médecine de la faculté de Montpellier et a été reçu régent de la faculté de Poitiers le 10-06-1607. Il est marié avec Marguerite GARSONNET, fille de Henry GARSONNET maître apothicaire et de Jeanne ESNAULT. Il a une fille Jeanne épouse de Louis DELESTANG seigneur du Ry (mariage en 1630).
  • Pascal LE COCQ lui est fils d’Aymar LE COCQ et de Jeanne DUBOIS. Il s’est spécialisé dans la botanique. Il a parcouru l’Europe à l’étude de la flore. Il est nommé régent de la faculté de Poitiers en 1597. Il est l’époux de Françoise DE SAINT-VERTUNIEN, fille de François DE SAINT-VERTUNIEN et de Françoise BESNARD. Il a eu au moins sept enfants. Il meurt en 1632 avec le titre de Doyen de la Faculté de Médecine de Poitiers.
  • Jean DE RAFFOU a fait ses études de médecine à Paris puis à Poitiers. Il devient docteur de la faculté de Poitiers en 1608. Il est fils de Pierre DE RAFFOU et de Julienne BLONDEAU. Il décède à Poitiers en 1635 à 51 ans. Il avait épousé Marie CONTANT fille de Paul CONTANT et de Marie Esther PELLETIER, il a eu deux enfants.
  • François CYTOIS, docteur en médecine, a eu un destin plus grand que les précédents. Il est le fils de Pierre CYTOIS et de Mathurine GIRAULT. Il quitte Poitiers pour devenir le médecin de RICHELIEU et du roi Louis XIII. Il s’est marié deux fois : sa première épouse s’appelle Marie GODARD, la deuxième épouse s’appelle Madeleine JOULAIN,. Il est noté dans une insinuation de 1627 «François Cytois, médecin du Roi et de la Reine, mère du Roi, et Madeleine Joulain, demeurant à Paris rue « Courtoris », paroisse Saint-Eustache : donation à François, à Joseph, à Jean et à Isabeau Cytois, enfantz d’un premier mariage dudit François Cytois de tous leurs biens meubles et des acquêts et conquêts immeubles qu’ils auront faits durant et constant leur mariage» (Notice n° 7034)  (sources Archives Nationales : Châtelet de Paris. Y//163-Y//167. Insinuations (28 juin 1622 – 11 mars 1628)).
    Pharmacie du marché, place Charles de Gaulle, Poitiers, Famille Citoys

    Façade actuelle de l’ancienne boutique d’apothicaire des Citoys, sise place Charles de Gaulle à Poitiers. © Google Maps


    Dans la première partie de sa vie François CYTOIS a du vivre en la maison dite des « Cytois » située en haut de la Grand-Rue à Poitiers le long de l’église Notre-Dame-la-Grande. La façade de cette maison date de 1573-1574, il existe une minute datée de fin 1573 concernant la construction d’une nouvelle façade en pignon à l’édifice, avec des fenêtres à meneaux, le plan de cette façade que l’on trouve avec l’acte permet sans équivoque d’identifier la maison. Le bâtiment lui même est bien plus ancien. Aujourd’hui une pharmacie occupe le rez-de-chaussée, probablement dans la continuité d’une boutique d’apothicaire datant d’avant 1600.

 

Le peintre auteur des portraits ?

Le rédacteur de l’article publié par la SAO n’a pas identifié l’auteur des portraits, ni expliqué pourquoi ceux-ci sont inachevés. A Poitiers au début du 17ème siècle un peintre Pierre LEPILLEUR est connu et apprécié localement, il a été sollicité plusieurs fois pour des rénovations et des productions de tableaux par les congrégations religieuses et les autorités. Dans les registres paroissiaux il se fait remarquer par sa signature très expressive.

© AD86 – registres paroissiaux, Poitiers-St-Cybard-B-1603-1611 collection communale vue 46

L’examen des parties inachevées des portraits, en particulier les esquisse au crayon non peintes on remarque au niveau des mains que les doigts sont allongés et rebiquent vers le haut.

Le tracé des doigts esquissés, même s’ils sont très petits proportionnellement, fait penser à ceux de la signature, long effilés et qui rebiquent vers le haut. Pierre LEPILLEUR est marié avec Françoise DEMARNEF. Radegonde DEMARNEF sa tante est mariée avec Thomas GARNIER un apothicaire, dont un petit fils Jean GARNIER, docteur en médecine de Montpellier, issu du premier mariage de ce Thomas GARNIER apothicaire, est admis à la faculté de médecine de Poitiers après examen en 1621. Pierre LEPILLEUR doit être le réalisateur des portraits, il est décédé en 1620, ce qui explique parfaitement le côté inachevé des images. Un nouveau docteur intronisé devant payer un repas aux régents de la faculté de médecine, le père de Jean GARNIER a pu « offrir » aux régents en plus du repas leurs portraits en s’adressant à un peintre, un de ses proches parents, pour faciliter la carrière de son fils. Le couple LEPILLEUR x DEMARNEF a eu six enfants tous baptisés en l’église de St-Cybard de Poitiers, entre 1608 et 1619.