#ChallengeAZ │ W… Place William Cody, un reste du far-west dans la capitale pictave

Ah le W ! Une des lettres retord de l’alphabet pour tous ceux qui participent au challenge AZ ! Être à l’initiative du thème proposé et se retrouver avec cette lettre… dans quelle galère me suis-je aventurée !

Cherche W … désespérément…

Dernièrement, j’ai dû examiner le plan de la ville de Poitiers pour préparer un rendez-vous. En cherchant mon itinéraire, mes yeux se sont posés sur un nom de place qui m’a intriguée : Place William CODY. Quelques recherches rapides plus loin, j’ai la confirmation de l’évocation de ce nom : il s’agit ni plus ni moins que le patronyme du célèbre Buffalo Bill. Ma curiosité était aiguisée. Pourquoi ce personnage qui évoque le far west a-t-il marqué à ce point la cité poitevine pour en baptiser l’une de ses places ?

Les premiers éléments que je découvre parlent du passage du général CODY et son cortège de cow-boys et d’indiens sur le sol français et à Poitiers en particulier en 1905. Cette découverte va m’embarquer dans un événement qui a dû passionner les foules et sans doute marqué certains de nos ancêtres en France et même en Europe au début du XXe siècle. En tout cas, il m’a permis de m’interroger sur les distractions que pouvaient avoir nos anciens pendant les quelques heures de repos qu’ils s’autorisaient.

Je me lance alors dans des recherches que j’affectionne particulièrement : un examen de la presse ancienne en ligne sur le site des Archives départementales de la Vienne et pour élargir le sujet une fouille minutieuse du site Gallica.

La place William Cody à Poitiers

Place William CODY, Poitiers © Google Maps

Cette place au demeurant ne paye pas de mine : un petit carré de verdure, quelques arbres entourés de barres d’immeuble. Nous sommes dans le quartier de Bellejouanne situé dans la partie sud-ouest de Poitiers en direction de Bordeaux. Au XVIIIe siècle ce quartier était essentiellement rural et constitué de champs. On y trouvait surtout des journaliers et des laboureurs. Située non loin du parc des Prés-Mignon et du château autrefois appelé la « Villa Bellejouanne », c’est justement sur ce domaine que s’est déroulé le spectacle du Wild West Show à la tête duquel paradait William Cody alias Buffalo Bill.

1905, Poitiers à l’heure du Far West

En 1905 la radio n’existe pas (la première émission de radio en France destinée au public n’a lieu qu’en 1921), pas plus que la télévision (le premier journal télévisé ne sera diffusé qu’en 1949). Et pourtant, l’arrivée en Europe et la tournée en France du show de Buffalo Bill va être un événement immense tant par le spectacle en lui-même que par la logistique qu’il nécessite.

Lorsque la troupe débarque à Poitiers le 1er septembre 1905, le spectacle a déjà été rodé dans près de 70 villes. Le tour entame la deuxième partie de son périple qui avait démarré à Paris en avril 1905 et qui s’arrêtera à Draguignan en avril 1906, après être passé dans près de 120 villes avec 270 représentations à raison de deux spectacles par jour et par ville traversée.

Parcours du Wild West Show en France en 1905-1906 ▲ clic sur l’image pour accéder à la carte interactive

L’annonce de l’arrivée de ce grand barnum se fera donc à grand renfort de publicité dans les journaux et par affichage dans la ville mais aussi par les hurleurs de rue et sans doute également par le bouche à oreille. La veille il était à Châtellerault et on peut penser que les conversations devaient être bien animées à ce sujet dans les marchés locaux et autres foires, et ce d’autant plus qu’il a bien fallu préparer la réception de tout ce beau monde, notamment en terme de logistique.

Publicité dans la presse locale ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

Publicité dans la presse locale ▲ clic sur l’image pour l’agrandir.

Voici ce qu’en dit le Mémorial du Poitou du 30 août 1905 

« Quand on voit des Indiens, des Cowboys, des Cosaques russes, des paysans Mexicains, des lanciers Anglais, de la cavalerie des Etats-Unis, de l’artillerie et de l’infanterie, des Ciskos hongrois, des guerriers nègres, des chasseurs Français, réunis dans un tourbillon d’actions de bravoure en plein galop, on conserve quelque chose dont le souvenir vous a émotionné, éduqué et vous a plu. […] La splendeur du spectacle, l’adresse des cavaliers, la rapidité et la force des chevaux, les couleurs flottantes et l’acier scintillant, des lames des épées, des casques et des cuirasses, les fourreaux raisonnants et claquants, les éperons sonnants, tout cela vous grise et enflamme l’exultation, l’allégresse qui est dans chaque patriote de toute nation. » 
(Source : Archives départementales de la Vienne)

Le Journal de la Vienne dans son édition du 02 septembre (alors que la caravane est déjà repartie vers Angoulême) écrit :

« Une grande nouveauté va demain nous rendre visite sous la forme d’une exhibition qui est entièrement différente, sous tous les rapports, de toutes celle vues jusqu’ici. Ce n’est pas un cirque, ni une pantomime, ni un drame, ni un opéra, mais elle représente, dans leurs conditions naturelles, tous les éléments sur lesquels des représentations mimiques sont basées, c’est le Wild West de Buffalo Bill, avec ses cavaliers du monde entier, conduits personnellement par l’universellement célèbre Colonel W. F. CODY, dont le nom de guerre est familier à tous les lecteurs des faits historiques des guerres américaines, et dont la carrière aventureuse a formé le sujet de romans, contes et chants. […] Allez voir, faites en profit et agissez dans votre propre intérêt éducatif. » 
(Source : Archives départementales de la Vienne)

Comment ne pas être émerveillés en lisant ces lignes et avoir envie de se précipiter pour voir le spectacle ?

Imaginez…

Buffalo Bill, Willian Cody, Poitiers, Vienne, France, 1905

Composition des trains ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

La troupe a traversé l’Atlantique sur 16 bateaux. Trois trains spéciaux d’une quinzaine de wagons chacun sont nécessaires pour acheminer 800 hommes, 500 bêtes et le matériel : la caravane s’étend à perte de vue. A Poitiers, les trains sont arrivés entre 2h et 5h du matin. Le débarquement s’organise de façon ordonnée et rapide : à 6h15 l’installation est terminée !

Pendant l’installation des tribunes, des fournisseurs arrivent de tous côtés. Dans une seule journée, l’entreprise de Buffalo Bill doit se procurer 750 kilos de viande, 1000 kilos de pain, 400 kilos de pommes de terre, 60 kilos de beure, 150 kilos de sucre, 300 litre de lait et 700 à 800 kilos de légumes variés. Trois bouchers, dix cuisiniers, huit aides, trente-six garçons de salle, douze plongeurs et dix surveillants sont à la manœuvre à chaque fois. (Source : blog le grenier de mon moulins)

Les tentes disposées en quadrilatères autour d’une arène non couverte, abritent 12 000 places. La publicité précise qu’elles sont imperméables à la pluie et au vent et que le spectacle a lieu par tous les temps ! L’entreprise assure son propre éclairage grâce à une batterie électrique de 25 000 chevaux.

Autour de l’arène principale, d’autres tentes sont installées avec des attractions de variétés, mais aussi la vente de bières, glaces et produits divers comme des cartes postales, des livres sur la vie de Buffalo Bill, des boîtes à tabac, des paquets de cigares ou des savons à son effigie.

Les spectateurs vont en avoir plein les yeux avec pas moins de 22 numéros qui s’enchaînent avec rapidité pendant une heure et demi. Après 2 représentations, les salutations des artistes et le dernier salut du général Cody à peine fini, la caravane a déjà plié bagage : les tentes et le matériel ont repris le chemin de la gare. A minuit et demi, il ne restait plus rien de l’installation. Les locomotives fumantes tiraient déjà la caravane vers Angoulême.

Le Journal de la Vienne du 04 septembre décrit l’ambiance :

« La foule qui n’avait cessé de se porter, pendant toute la matinée de vendredi, aux abords de la gigantesque installation de Buffalo Bill’s, s’était considérablement accrue après le déjeuner. Dés une heure, on n’approchait que très difficilement des guichets où s’effectuait la distribution des billets pour la représentation de l’après-midi. […] Le passage du cirque Buffalo, a créé un mouvement de population très important à Poitiers. Les tramways électriques ont été pris d’assaut l’après-midi ainsi que le soir ; ils ont transporté 22000 personnes, ce qui a produit une recette de 2477 francs soit environ 1500 personnes de plus que pour la première représentation de Barnum en juin 1902. Le service des cars électriques étaient très bien organisés. A part quelques rencontres de voitures particulières, tout s’est parfaitement passé, sans accident de personnes. » (Source : Archives départementales de la Vienne)

S’il est évident qu’un tel événement a pu susciter un vif intérêt de la population poitevine, on peut toutefois s’interroger sur la sociologie des personnes touchées. Tout le monde n’avait pas accès aux journaux locaux et n’a donc pas pu lire tous les articles précédant la venue de William CODY qui vantaient ses succès sur le territoire américain. Par ailleurs, comme le note Gino Tognolli, pour l’Est Républicain « Il fallait payer 1,50 Fcs ou 8 Fcs, selon que les spectateurs étaient assis de façon spartiate ou dans les loges. C’était des sommes à l’époque. Le salaire journalier était inférieur à 5 Fcs et le chômage important ».

Nos ancêtres paysans ou les manouvriers ont-ils pu assister au spectacle ? Ils ont en tout cas du être présents au défilé de la troupe dans la ville entre la gare et le quartier de Bellejouanne, ce qui leur a sans doute laissé aussi quelques souvenirs.

Qui était William Cody ?

William Cody alias Buffalo Bill vers 1911 © Wikimedia

Il est né le 26 février 1846 à North Place dans l’Iowa (Etas-Unis). Il sera tour à tour messager pour la société Pony Express (1857), soldat dans l’armée nordiste durant la guerre de Sécession (1861-1865), et scout éclaireur (1868) pour la cavalerie des États-Unis, sous les ordres du général Georges Armstrong Custer. Il a acquis son surnom de Buffalo Bill en 1867, à cause du nombre de bisons tués au profit de la Kansas Pacific pour approvisionner les ouvriers construisant la ligne de chemin de fer.

C’est en 1883 qu’il crée son Buffalo Bill’s Wild West Show représenté pour la première fois le 19 mai 1883. Il effectuera une première tournée en Europe à la fin des années 1880. Après avoir réintégré l’armée des États-Unis en 1890 et participé à la fin des guerres indiennes, il effectue une seconde tournée en Europe (1905-1906) avec son cirque. Mais il déposera le bilan  en 1912. Il meurt le 10 janvier 1917 à Denver (Colorado) où il s’est retiré chez sa plus jeune sœur.

Et la généalogie dans tout ça ?

Ma curiosité étant rassasiée sur cet événement qui a traversé la France et toute l’Europe en 1905, je ne pouvais pas laisser ce personnage sans essayer d’en savoir un peu plus d’un point de vue généalogique. En faisant une recherche rapide sur Geneastar et la base Capedia, je découvre une jolie surprise : William CODY serait un descendant d’Aliénor d’AQUITAINE à la 25e génération !

Bien sûr tout ceci mérite une profonde vérification, mais cette trouvaille est assez amusante. Ainsi la place William CODY trouverait un sens et se justifierait par ce lien entre ces deux personnages qui ont marqué l’histoire de Poitiers et de la Nouvelle Aquitaine.

 

Ci-dessous cartographie des lieux cités au cours de ce Challenge AZ.
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