Les BOURREAU de la Jusie bastonnent à la Saint-Philibert
Le 05 août 1726 une information est ouverte contre BERTINEAU, BRIN, Louis, Pierre et Jean BOURREAU et leur sœur, AUBOURG femme BOURREAU, HERBOIREAU, accusés d’avoir maltraité la veille Mathurin fils de Jacques AUBIN aubergiste de Latillé.
Ledit Mathurin AUBIN malade git au lit et ne peut plus vaquer à ses affaires. Il se retrouve avec des chevaux sur les bras qu’il avait ramenés de la foire de Fontenay-le-Comte pour les revendre dans l’année. Pour cela et pour payer Bonaventure RENAULT le chirurgien qui l’a examiné, il demande réparation.
Ce dernier l’a trouvé fiévreux, une plaie sur le front de la largeur et de la profondeur de la moitié d’un pouce, une autre sur le haut de la tempe large et profonde d’un demi-doigt, une autre sur le coronal supérieur de la largeur d’une grosse fève, de nombreuses contusions sur tout le corps, du côté droit, du côté gauche, sur les vraies et fausses côtes, faites par des coups de pied et de bâton. Pour le chirurgien la guérison demandera plus d’un mois.
Joseph JARDEL, sénéchal de la châtellenie de Montreuil-Bonnin et Latillé, et François RANGER, son greffier, procèdent aux auditions :
- Pierre LAVAULT de Latillé, 18 ans, rapporte que la veille jour de l’assemblée de la St-Philibert à Latillé, vers les 4-5 heures du soir, il jouait aux boules(1) avec Mathurin et Jean AUBIN frères, que les nommés HERBOIREAU et CHAUVEAU se battaient et que Pierre BOURREAU a voulu secourir HERBOIREAU. Mathurin AUBIN s’est alors interposé pour les faire cesser, quand les deux autres frères BOURREAU et leur sœur vinrent par derrière et le frappèrent de coups de bâton sur la tête et le corps.
- Jean MARTINEAU (15 ans, fils du boulanger de Latillé) autre témoin assigné dit que HERBOIREAU et BRIN se jetèrent sur Mathurin AUBIN, lui donnant des coups de bâton, le faisant tomber à terre, que ledit BRIN lui asséna des coups d’une grosse trique par derrière.
- François CHAILLOT (42 ans tisserand de Benassay), précise que Pierre BOURREAU de la Juzie, BERTINEAU (valet de DINET de la Bourdillière) et HERBOIREAU (fils du meunier de la Loge) étaient tous sur ledit AUBIN près du lieu où la MARTINELLE avait mis ses bouteilles et qu’ils lui donnaient des coups sur la tête.
- Jacques (13 ans fils de Charles FOURE laboureur) de la Rouaudière de Latillé, témoigne aussi.
- Estienne SOROIS (25 ans, laboureur de la Follye Marot de Latillé) précise que Mathurin AUBIN s’est retrouvé dans un fossé où il reçut les coups.
- Jacquette PENIGAULT (45 ans, femme de MARTINEAU le boulanger qui vendait du pain au moment des faits), Marie (18 ans fille de Charles LUSSAULT servante du sieur LACHAPELLE), Jacques (13 ans fils de Louis TERRASSON tailleur d’habit), André GARNIER (45 ans marchand), ses enfants Marie (12 ans) et René (13 ans) et Marie LEVESQUE (38 ans femme de Pierre BRAULT marchand de la Croix Carrée), tous de Latillé, font des déclarations similaires.
Le grand nombre des assaillants et celui des témoins permet de penser que cette altercation a suscité un grand émoi dans la populace, que l’effervescence était grande dans la paroisse et alentours. Accessoirement on peut se demander si les bouteilles et le vin de la MARTINELLE ont joué un rôle essentiel dans l’affaire.
Identification des protagonistes
AUBOURG épouse BOUREAU l’une des vindicatives animatrices de ce fait divers permet d’identifier avec certitude la fratrie des BOURREAU dont ledit Pierre de la Juzye (Jusie) de Latillé : il s’agit de Renée AUBOURG épouse de Jean BOURREAU.
Louis et Pierre BOURREAU nés en 1704 et 1711 se marieront avec Françoise PINAUD et Jeanne GIRAULT en 1740 et 1735. Ils sont enfants du couple Louis BOUREAU et Marie BASTYE qui se sont mariés en 1694 à Cramard, un mariage quadruple, le même jour que deux frères et une sœur dudit Louis BOUREAU avec deux sœurs et un frère de ladite Marie BASTY.
Le couple Louis BOUREAU x Marie BASTYE a eu 4 autres enfants :
- Marie (x Louis CHAILLOT),
- Jeanne (x Mathurin DINET),
- Pierre sans postérité,
- et Renée (x André TAUPIN).
Louis BOURREAU veuf en 1705 s’est remarié deux fois :
- avec Louise DEMON d’où un enfant René,
- puis avec Marie-Anne PELAUD.
Les quatre couples BOURREAU x BASTYE ont eu une nombreuse descendance, dont de nombreuses personnalités éminentes sont issues, entre autres Thierry PÉRONNET très humble vermisseau du Poitou et Jean-Marie PIGNON époux de l’excellente auteure polémiste des Deux-Sèvres Maud PIGNON.
Les « Jusie » de la Vienne
Le hameau de la Jusie est un écart de Latillé non loin de l’Auxance à côté du moulin du Pont-Aubert. Au début du 19ème siècle sur le plan du cadastre Napoléon on distingue 4 ou 5 bâtiments. La Jusie était sous l’ancien régime ce que l’on nomme une « métairie et maison noble », sous la mouvance de l’abbaye de Ste-Croix de Poitiers, constituée d’un ensemble de 3 à 4 maisons avec leurs dépendances. Son nom apparaît dans les actes dès le 14ème siècle et même avant.
On trouve aussi la Petite Jusie à Lavausseau et la Grande Jusie à Benassay dépendantes du chapitre de St-Hilaire-le-Grand de Poitiers. Leurs noms s’écrit avec la graphie Giusie sur le plan du cadastre Napoléon en 1830. Ces deux hameaux sont cités à partir de 1476 dans les actes.
(1) Les jeux de boules étaient très populaires sous l’ancien régime, avec de nombreuses variantes locales, les boules étaient en bois et plus grosses que les boules de pétanque actuelles.
Sources : Archives départementales de la Vienne série 8-B-169 justice seigneuriale de Montreuil-Bonnin et Latillé
Ci-dessous cartographie des lieux cités au cours de ce Challenge AZ.
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Oh une histoire qui concerne Latillé et dans laquelle je retrouve un bon nombre de personnes de ma base de données. Merci pour cet article réjouissant – même si les faits le sont moins, et merci Thierry de passer tant de temps à éplucher les archives et de partager si gentiment votre connaissance de l’histoire de nos villages