Freinet, Montessori, autant de méthodes pédagogiques sépia redécouvertes aujourd’hui, mais la méthode Rocher, qui s’en souvient ?
Célestin François ROCHER est né le 12 septembre 1867 à Beaumont dans la Vienne, fils de Louis fermier et de Marie-Louise MERIOT. Il fréquente l’école communale de Naintré et obtient son brevet élémentaire. A vingt ans, son premier poste d’instituteur est à Montmorillon, où il est déjà très bien noté par son inspection. Il est nommé instituteur à Naintré en 1888 et devient titulaire de son poste en 1892. Il est alors chargé du cours préparatoire. En 1905, l’inspecteur d’Académie qui visite sa classe loue sa compétence : « C’est un maître intelligent et très dévoué, qui a beaucoup étudié les méthodes qui conviennent au jeune âge et qui s’efforce de bien les appliquer. ». En effet, Mr Rocher applique la méthode GROSSELIN et va jusqu’à fabriquer une planche équipée de 1110 rondelles de liège afin de faciliter l’apprentissage des mathématiques. L’inspecteur ne tarit pas d’éloge : « Pour tout dire, M. Rocher et un chercheur et nous devons lui en savoir gré. »
En effet, Monsieur Rocher cherche. Il cherche à aider les plus faibles et les plus fragiles de ses élèves, ces enfants que l’on nomme en cette fin de siècle « arriérés » et que les statistiques de l’époque comptent au nombre de 5 à 6% des enfants d’une classe (nombre confirmé au sein de sa classe). Rocher déplore l’absence de moyens, de méthode spécifique d’apprentissage. Rocher est pragmatique. Il apprend vite, demande à participer aux colloques sur le sujet, cherche à améliorer ce qu’il a appris et en fait bénéficier les élèves de sa classe. Les enfants en difficulté deviennent sa passion. En 1908, il demande à son inspection le droit de suivre des conférences à Paris. Remarqué par sa hiérarchie, salué pour sa compétence Célestin Rocher est nommé instituteur titulaire de la classe de perfectionnement créée autour de son initiative à Poitiers, boulevard Coligny. Après 23 ans de loyaux services, il quitte la petite école de Naintré et se consacre à un groupe de 18 enfants mêlant sourds-muets ou « arriérés ». Rocher rédige de nombreux rapports de son activité, détaillant l’importance des conditions de vie, d’hygiène et d’alimentation à apporter aux enfants handicapés. Son engagement et son efficacité lui valent une médaille d’argent en 1909. En 1910, le rapport d’inspection est toujours aussi élogieux. Rocher mobilise les acteurs de l’enfance : il rédige un article dans le Poitou médical et coopère avec les médecins en particulier le Dr ROLAND. Il bénéficie du soutien de la magistrature. L’école de perfectionnement dispose de peu de moyens, les conditions sont difficiles, à leur sortie, les enfants sont moqués par les passants, accusés de tous les méfaits de voisinage. La discrimination dont ils sont les victimes est dénoncée par Rocher. En 1915, la guerre aggrave la situation de l’établissement. Rocher s’alarme du manque de nourriture, des dangers de l’alcool donné aux enfants, salue l’implication de son épouse qui assure la préparation des repas des élèves. Ils sont à cette date 40 élèves. Rocher regrette de ne plus pouvoir les mener aux bains de l’Hôtel Dieu, désormais réservés aux blessés. La guerre, les blessés et parmi eux les blessés de la face interpellent Célestin Rocher. Dans une note à sa hiérarchie, il propose son savoir-faire et sa méthode pour la rééducation de la parole des mutilés de guerre.
Travaux de Célestin Rocher à consulter :
l’article sur « Les enfants arriérés » publié dans Le Poitou médical, mars 1912
le rapport de Célestin Rocher à l’inspecteur d’académie, Poitiers 04 août 1915
(rapport sur le fonctionnement de l’école de perfectionnement) © AD86
Le combat de Rocher pour les enfants reprend avec la paix. Les conditions rue Coligny sont désastreuses, il faut convaincre les politiques d’offrir des locaux à la hauteur des enjeux. Encore inspecté en 1927, sa hiérarchie salue ses compétences, sa pédagogie, sa détermination à aider l’enfance en difficulté. Il prend sa retraite l’année suivante.
Le 17 juillet 1937, Célestin ROCHER, instituteur de Naintré, Directeur Honoraire de l’Ecole de Perfectionnement de Poitiers, Chevalier de la Légion d’Honneur, meurt à l’âge de 70 ans.
Voir le dossier de Légion d’Honneur de Célestin ROCHER (base léonore)