En choisissant d’évoquer l’enseignement pour ce challenge, cela nous donnait l’occasion de parler d’instituteurs, de méthodes d’enseignement ou d’anecdotes autour de l’école d’un village. L’instituteur est un personnage que l’on croise souvent dans nos recherches généalogiques. Il apparaît ainsi parfois comme témoin d’un événement familial ou comme conseiller municipal et rédacteur des actes.
Dans la Vienne, si on ne compte pas d’instituteur dans sa base généalogique, il y a cependant des personnalités liées à l’enseignement que nous pouvons tous cités. Il y a bien sûr le recteur Léon Pineau dont de nombreuses rues dans la Vienne portent son nom. Il y a aussi André Rossignol qui a révolutionné l’enseignement en créant les fameux tableaux pédagogiques à partir de 1946. De nombreux instituteurs ont fait disserter leurs élèves sur ces panneaux entre 1946 et 1963 et ce sur toute la France.
Et puis, il y a Aimé SOUCHÉ. Vous l’avez déjà rencontré dans les textes publiés précédemment. Claude ALLARD dans l’article « Le certificat d’études de mon père » nous apprend qu’il cousine avec son père. Claudie BOURREAU dans celui sur « l’école de filles « Paul Bert » de Châtellerault » le cite comme étant l’inspecteur primaire pendant l’existence de cette école.
Aimé SOUCHÉ fait partie des instituteurs auxquels nous nous sommes intéressés pour préparer notre exposition de Bignoux. En prenant connaissance de son parcours, une chose semble évidente pour le définir : c’est quelqu’un qui n’a cessé de mettre en application l’étymologie du mot « instruire », c’est-à-dire mettre sur pied, former mais aussi fonder et instituer.
Aimé Honoré SOUCHÉ est né le 22 janvier 1888 à la Villedieu-du-Perron, paroisse de Saint-Martin de Pamproux dans les Deux-Sèvres, à la limite de la Vienne. Il est le fils unique d’Honoré et de Louise Pauline ARNAUDON, des paysans calvinistes. Son ascendance est essentiellement deux-sévrienne mais avec quelques incursions dans la Vienne.
Son parcours d’instituteur
En 1899, il sera reçu premier du canton au certificat d’études. Constatant ses brillantes capacités, son instituteur va le préparer pour qu’il entre à l’école normale de Poitiers. Il y sera admis en octobre 1903. Il obtiendra son brevet supérieur en 1906 et son certificat d’aptitude pédagogique en 1909. Il exercera en tant qu’élève maître à Poitiers (1906), puis Latillé (1907), Neuville (1908) ou encore à Brux (1909).
Le 04 septembre 1909, il épousera à Poitiers Julienne Marie LAURIN, institutrice à Gençay, née le 5 juillet 1886 à Mirebeau, fille d’Alexis Philibert, fabricant de chaussures, et de Delphine Léontine MARIE. Quelques mois auparavant, il avait annoncé son prochain mariage à sa hiérarchie et déjà il demandait un rapprochement pour que sa future épouse le rejoigne à Neuville où il était en poste. Visiblement il n’obtiendra pas gain de cause, puisqu’il sera muté à Brux en octobre 1909.
A partir de 1910, il sera nommé titulaire à Pindray où il y restera 8 ans. Il terminera sa carrière d’instituteur à Saint Savin avant d’être nommé inspecteur de l’enseignement primaire en 1919.
Dans son dossier d’instituteur, on trouve plusieurs lettres qu’il a adressées à son inspecteur d’académie pour réclamer un changement de poste. Il était semble-t-il très soucieux de sa qualité de vie familiale et de ses conditions de travail. Malgré des recommandations appuyées et très favorables, il n’a jamais été satisfait.
Les rapports de l’inspection nous en disent plus sur ses conditions de travail.
« le matériel est résistant mais d’un vieux modèle bien peu hygiénique » (rapport de 1907 à Latillé).
« la cour est exigüe, boueuse ; on ne voit pas la possibilité de l’agrandir. […] Le mobilier est vieux et de modèle défectueux » (rapport de 1913 à Pindray)
Malgré ses conditions médiocres, il sera toujours bien noté :
« Monsieur Souché est un instituteur intelligent, laborieux, zélé qui s’intéresse à tout ce qui touche l’école, […] jouit dans sa classe d’un ascendant obtenu sans contraintes. Il a l’ambition légitime de voir ses efforts récompensés par un avancement qu’il attend avec une confiance un peu impatiente » (rapport d’inspection à Pindray 1912).
« Le zèle de M. Souché se maintient à la fois ardent, éclairé et méthodique. Son intelligence alerte et souple, sa grande puissance de travail, sa ferme volonté de bien faire, continuent à s’affirmer. […] C’est plaisir de constater la vie, l’effort intelligent, joyeux et fécond qui règnent dans cette petite école de campagne. […] Faut il reprocher à ce jeune maître une légère surabondance de notes et de gestes donnant parfois un air de fièvre à son activité ? une certaine impatience d’être remarqué, d’arriver ? […] Son mérite professionnel est à peine atténué par ces petites réserves ». (rapport d’inspection à Pindray 1913).
Parcours militaire.
En août 1914, alors âgé de 26 ans, il est mobilisé et affecté au 68e régiment d’infanterie. Très rapidement il se retrouve sur le front d’Ypres où sa compagnie sera décimée dans les combats du 05 octobre 1914. 70 de ses camarades tomberont et Aimé SOUCHÉ sera fait prisonnier le 06 novembre 1914. Entre 1914 et son rapatriement, il écumera de nombreux camps (Gardelegen en 1914, puis Merseburg en août 1915, transféré ensuite au camp de Wittenberg (février 1916) puis Quedlinburg (mars 1916). On le retrouve avec 1500 autres prisonniers à Schaulen en Pologne. Considéré comme un intellectuel, il va subir, au même titre que les ingénieurs, avocats, artistes, ou écrivains de nombreuses brimades (marches forcées et souffrance de la faim). Il finit par attraper une grippe infectieuse compliquée de congestion pulmonaire. Il sera rapatrié le 12 janvier 1919 très affaibli et malade.
Voir la fche matricule d’Aimé Souché.
Pendant la seconde guerre mondiale, il accomplira des actes de résistance notamment en facilitant les passages en zone libre et en servant de relais aux pilotes anglo-saxons abattus.
Les rapports de l’inspection académique et son comportement pendant la guerre nous laissent penser qu’il s’agit de quelqu’un de déterminé et persévérant. Il deviendra inspecteur des écoles trois jours seulement après avoir été démobilisé.
La grammaire d’Aimé SOUCHÉ
Aimé SOUCHÉ est un des auteurs les plus prolifiques des éditions Nathan entre 1920 et 1970. Le catalogue de la BnF lui consacre pas moins de 166 notices du fait des très nombreuses rééditions. À côté de livres de calcul, morale, instruction civique, leçons de choses, il décline du cours élémentaire à la classe de 3e, de nombreux manuels « de français ». Son dernier ouvrage co-signé avec J. Grunenwald, « Grammaire française : leçons et exercices, cycle d’observation, classe de 5e », paraît en 1972.
Dans la revue « histoire de l’éducation », Anne-Marie Chartier dans son article « Faire lire les débutants : comparaison de manuels français et américains (1750- 1950) », fait l’analyse suivante :
Avant de travailler sur cette courte biographie, je ne pensais pas connaître cet instituteur. Et pourtant, en parcourant les documents que nous avons récoltés autour de lui (merci à Sandrine Pourrageau qui y a consacré beaucoup de temps), je me suis rendue compte qu’il m’était familier, surtout lorsque je suis tombée sur ses livres de grammaires. Dans les années 70, je trainais mes culottes courtes sur les bancs de l’école primaire et il y a des chances que j’aie planché sur les exercices de grammaire d’Aimé SOUCHÉ en CP ou CE1 même s’il ne me reste en mémoire que les exercices du fameux BLED.
Sources :
Archives départementales de la Vienne et des Deux-Sèvres
Liste des prisonniers du camp de Quedlinburg 1915-1920.
Souvenirs d’école : « La lecture courante et le Français au Cours élémentaire 2e degré » par Aimé Souché
Histoire de l’éducation : article « Faire lire les débutants : comparaison de manuels français et américains (1750- 1950) » par Anne-Marie Chartier.
Le Blog « Manuels anciens« .
L’instituteur était un personnage important. Savez-vous que ce nom de métier a disparu du vocabulaire des jeunes ? Ils ne connaissent plus que professeur des écoles. Pour le faire vivre, un bel article de Maria !