#ChallengeAZ │ B…Bonnes, La Ronde, des meuniers

cpa Bonnes (Vienne 86), Moulin de la Ronde

Moulin de la Ronde à Bonnes ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

Moulin de la Ronde à Bonnes (Vienne, 86) situation actuelle

Moulin de la Ronde à Bonnes, situation actuelle ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

Situation et bref historique

Le moulin de la Ronde assis en la rivière Vienne et situé sur la commune de Bonnes est cité, pour la première fois, en 1417 dans un jugement du sénéchal de l’évêque de Poitiers. Le moulin de la Ronde était alors le moulin banal de la seigneurie de la Tour de Jardres. Cette seigneurie, avec son moulin, est ensuite vendue par les héritiers de Jean de CRAMAUD aux Doyens et Chapitre de l’église cathédrale de Poitiers.

En 1535, on a un arrentement du moulin banal de la Ronde par les députés de messieurs de l’église de Poitiers qui indique que le moulin tourne et vire à deux roues, l’une à blanc et l’autre à méture, bâti à neuf. Le moulin devrait donc produire deux sortes de farine, une formée d’un mélange de froment et de baillarge (orge de printemps à 2 rangs de grains) et l’autre formée d’un mélange de froment et d’autres céréales diverses, comme l’escourgeon (orge d’hiver à 6 rangs de grains, connue depuis la préhistoire) ou l’avoine.

Le 15 mars 1679, il existe une sentence du conservateur des privilèges royaux condamnant messire CHASTEIGNER, chevalier, comte de St Georges et seigneur de Touffou à payer les arrérages et à la continuation de la rente de 100 livres.

Cette famille CHASTEIGNER gardera le moulin de la Ronde jusqu’à la fin du premier quart du XIXe siècle, il fut ensuite vendu au meunier qui l’occupait.

Un moulin, des métiers

Fonctionnement d'un moulin à eau

Schéma de principe du mécanisme d’un moulin à roue verticale avec transmission par engrenage – Source : http://blogpeda.ac-poitiers.fr – www2.ac-toulouse.fr ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

Le travail au moulin concernait différents métiers. Il y a, bien sûr, le meunier et ses aides chargés du travail effectif au moulin. Mais il existe également le métier de farinier qui, comme son nom ne l’indique pas, était chargé de la vente de la farine surtout aux paysans. Le farinier était souvent de la même famille que le meunier et habitait souvent au même lieu. Les recensements du XIXe siècle parlent du métier de gardien de moulin. Le gardien du moulin devait certainement être chargé de la permanence au moulin pour éviter un vol éventuel de farine.

En amont du travail au moulin, le meunier était très souvent propriétaire de terres qu’il faisait entretenir par des membres de la famille. Il cherchait évidemment à élargir ses terres grâce à des alliances avec d’autres propriétaires de terres.

En aval du moulin, il s’agissait de fabriquer le pain. Dans les campagnes les femmes étaient souvent chargées de faire le pain. L’assouplissement des règles sur la création des boulangeries permit au métier de boulanger de se développer dans les campagnes.

Les banalités furent supprimées après la révolution, ce qui permit aux meuniers de devenir propriétaires de leur moulin.

Les occupants du moulin de la Ronde

Recensements de la commune de Bonnes en 1848, archives départementales de la Vienne 86, famille Laurendeau au moulin de la Ronde

Bonnes – extrait du recensement de 1848 © Archives départementales de la Vienne ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

Louis LAURENDEAU, né vers 1620 et décédé en 1676 au village de Bourgueil, devait être meunier au moulin de la Ronde. Dans tous les cas, ses descendants seront meuniers de père en fils jusqu’au XXe siècle. Le dernier connu se prénommait également Louis et il décédera en 1947 à Bonneuil, Valdivienne, où il était meunier.

La génération la plus remarquable de ces meuniers est celle de François LAURENDEAU (°1814 †1883) marié à Marie Marguerite ROY.

Le recensement de 1846 ci-dessus permet de voir qu’il était le meunier du moulin de la Ronde. C’est sans doute ce meunier qui a acheté le moulin à son ancien propriétaire.

  • Le recensement cite sa femme et ses enfants, mais aussi 3 domestiques dont 2 LAURENDEAU.
  • Un autre meunier est également présent : Louis DUQUERROUX marié à une Louise ROY qui n’est autre que la sœur de Marie Marguerite ROY et donc un beau-frère de François LAURENDEAU.
  • Le recensement mentionne ensuite un Hilaire LAURENDEAU comme gardien du moulin. Cet Hilaire est sans doute propriétaire de terres au village de Bourgueil, car sa femme et son fils y sont notés comme tels dans le recensement de 1846. Hilaire est né en 1785 et il s’agit d’un oncle de François LAURENDEAU.
  • Toujours en 1846, on retrouve un Jean LAURENDEAU (°1795 †1857), cousin germain de François LAURENDEAU, installé comme meunier au moulin des Vieilles Ecluses, toujours à Bonnes. Ce moulin est situé en aval de celui de la Ronde.
  • A la même période, on recense, un Pierre LAURENDEAU, oncle de François, comme propriétaire de terres au village de Bourgueil.
  • Enfin, on note un autre François LAURENDEAU, frère de Jean, meunier aux Vieilles Ecluses, et donc cousin germain du François meunier au moulin de la Ronde. Ce cousin a commencé comme meunier au côté de son frère Jean avant d’épouser la veuve du boulanger de Bonnes, Françoise BONNEAU. Il deviendra donc le boulanger de Bonnes après son mariage en 1832.

Lors du recensement de 1866, on notera également un Pierre LAURENDEAU, qualifié du métier de farinier, donc de vendeur de la farine produite au moulin. Ce Pierre s’avère être un frère de François.

On voit bien comment une seule famille occupe tous les métiers associés au moulin. En amont, celui de propriétaire de terres, puis celui de meunier et de farinier et en aval celui de boulanger.

Les familles de meuniers LAURENDEAU au moulin de la Ronde, Bonnes, Vienne 86

Les meuniers et autres occupants au moulin de la Ronde de Bonnes évoqués dans cet article (données non exhaustives) ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

Sources :


Le PLUS à consulter à lire dans la revue Herage, l’histoire des origines à nos jours par Pascal MILON de deux moulins de Saint-Martin-La-Rivière (actuellement regroupée avec Valdivienne) :

  • numéro 52 (mars 1996) : le moulin Milon, exploité par les ancêtres de Pascal MILON, une saga familiale de plus de 500 ans, une même lignée de meuniers qui a assuré l’existence de ce moulin.
  • numéro 59 (décembre 1997) : le moulin de La Vergne, ses fastes et ses aléas, qui a évolué entre la fin du XVe siècle et milieu du XXe, marqué par des rapports complexes entre meuniers, classes privilégiées et bourgeoisie.

Ci-dessous cartographie des lieux cités au cours de ce Challenge AZ.
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Herage 140

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Au sommaire :

  • Sauvegarde du patrimoine ou comment cinq membres du CGP ont procédé à une opération de restauration d’un cimetière protestant à Rouillé.
  • Gilbert LANDRY, le premier aviateur de la Vienne.
  • Du champ d’honneur…au champ de « patates » : si vous voulez savoir ce qu’a pu devenir votre ancêtre au cours d’une bataille napoléonienne.
  • Un bien curieux bouton ou comment un simple bouton devient le prétexte à une enquête qui vous mènera jusqu’au château de Touffou à Bonnes.
  • Jazeneuil, d’un mariage à un procès : une autre enquête à travers les actes notariés.
  • Les poitevins guinchent au bord de l’eau avec l’évocation des anciennes guinguettes de Poitiers.
  • Et toujours des quartiers d’adhérents et des cousinages entre adhérents ou avec des célébrités…

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Accoucheuse jusqu’à son dernier souffle

Le 15 avril 1773, les Affiches du Poitou rendent hommage à une centenaire de Jardres.

« La nommée Françoise Bodin, veuve en troisièmes noces de Pierre Multeau, maréchal au village de Pressac, Paroisse de Jardres, à une lieue de Chauvigny, est morte depuis peu, âgée d’environ 105 ans, sans avoir eue jamais aucune maladie, pas même la petite vérole, ni la rougeole. Son premier état, jusqu’à l’âge de 25 ans a été celui de Couturière, & depuis jusqu’à l’âge de 102 ans, elle n’a exercé que celui d’accoucheuse. Elle n’a eu d’autre infirmité pendant toute sa vieillesse qu’un peu de surdité. Elle n’est morte que parce que la nature défailloit, & sans douleur ; elle travailloit encore 10 jours avant sa mort, & elle a joui de toute sa raison jusqu’au dernier moment. »

Françoise BODIN a été inhumée le 23 mars 1773 à Bonnes en présence de Pierre DION, François ORILLARD, Marie DION et Magdeleine DION (AD 86 – BMS 1761-1773 vue 118). Elle était dite âgée de 100 ans sur son acte d’inhumation.

Elle avait épousé Pierre MULTEAU, maréchal, le 24 septembre 1720 à Chauvigny (AD 86 -BMS 1713-1720 vue 95). Elle avait alors une cinquantaine d’années. Son époux était décédé depuis le 11 avril 1748 à Jardres (BMS 1737-1751 vue 60) et avait épousé auparavant Jeanne MOREAU, en premières noces, le 08 janvier 1645 à Chauvigny (BMS 1693-1713 vue 25) et Marie NEGRIER, en secondes noces, le 12 février 1703 à Poitiers (BMS 1702-1704 vue 31).

Françoise BODIN semble avoir eu une longue carrière en tant qu’accoucheuse et ce jusqu’aux derniers jours de sa vie. Son expérience et sa pratique avaient sans doute été reconnus par la communauté.

***

L'art de l'accouchementDurant tout le moyen âge, les « accoucheuses » n’étaient pas formées et avaient peu de connaissances théoriques. Ces femmes étaient désignées par le terme de « matrones » ou « ventrières ». A cette époque, la matrone devait aider les femmes à mettre au monde leurs enfants mais elle exerçait également un rôle social et religieux (présentation de l’enfant sur les fonts baptismaux).

Elle était souvent âgée et désignée par l’ensemble des femmes de la paroisse en présence du curé. N’importe qui pouvait prétendre être matrone : pour assister une femme en couches, il fallait avoir subi soi-même l’épreuve de l’accouchement. Le fait d’avoir une nombreuse progéniture qualifiait d’autant plus pour cette fonction. A défaut de mère de famille, la femme mariée sans enfant pouvait être acceptée par la communauté et le curé pour qui le mariage était un gage de moralité.

Angélique Marguerite du COUDRAY (1712-1794)

Angélique Marguerite du COUDRAY (1712-1794)

Au XVIIIe une femme va révolutionner l’enseignement de l’accouchement. Munie d’un brevet royal délivré par Louis XV qui l’autorise à donner des cours dans tout le royaume, Angélique Marguerite du COUDRAY va entreprendre à partir de 1759 un voyage de 25 ans à travers toute la France pour enseigner l’art de l’accouchement. Elle va publier un « Abrégé de l’art des accouchements » qu’elle va illustrer de gravures en couleur et concevoir le premier « mannequin obstétrique ». Au cours de la formation qui durait deux mois les élèves étaient invitées à s’exercer sur le mannequin. Cet enseignement pratique du geste obstétrical correspondait à la volonté d’Angélique du COUDRAY de rendre ses leçons « palpables » puisqu’elle s’adressait à des femmes de la campagne peu instruites et « des esprits peu accoutumés à ne rien saisir que par les sens ». Ces formations vont contribuer à une importante diminution de la mortalité infantile.

Les bienfaits de cet enseignement sont ainsi présentés dans les Affiches du Poitou le 25 février 1773 dans un article intitulé « Cours public & gratuit sur l’art de l’accouchement« .

« Le public est averti que le sieur Maury, Maître en chirurgie de la ville de Poitiers, y commencera les leçons publiques & particulières sur l’art des accouchements le 15 du mois de mars prochain, & se servira pour les démonstrations de la machine composée par la Dame du Coudray, Maîtresse sage-femme de Paris, brevetée du Roi ; auxquelles leçons seront reçues gratuitement les élèves qui se présenteront tant des villes que des paroisses de campagne, même celles que les seigneurs des paroisses, les officiers municipaux des villes, & habitants de gros bourgs jugeront à propos d’y envoyer, pour se former ; à la charge de représenter avant leur admission, un certificat du curé ou vicaire de leur paroisse, qui constate leurs bonnes vie & mœurs. Cet établissement dont on a ressenti jusqu’à présent les meilleurs effets, a pour but un objet trop précieux à l’humanité, pour n’être pas persuadé qu’on s’empressera à en profiter. »