#ChallengeAZ │ P… Poitiers, le prix du sacrilège à Saint-Cybard

Détail du « Siège de Poitiers par Coligny en 1569 » peint par François Nautré, 1619 © Musée Sainte-Croix, Poitiers ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

La lecture des registres de la paroisse de Sainte-Radegonde de Poitiers apporte des informations parfois curieuses. En effet, le prêtre consigne des événements marquants pour lesquels il signale en marge une mention « ad memoriam » ou « chose remarquable ». Ainsi par exemple, il note en mai 1715 :

© Registres paroissiaux Archives départementales de la Vienne ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

« hier au soir a huit heures on brula vif au pilory de cette ville le nommé jean boucet natif de la ville maunommée près neuville pour avoir volé la nuit les vases sacrés dans l’église de St Cybard de cette ville, les calices, le St ciboire et la custode ou étaient les hosties qu’il renversa sur l’autel ; il en a fait amende honorable et a eu le poingt coupé devant cette église. » (page 30/92 registre numérisé des Archives départementales de la Vienne)

Un crime de sacrilège

Grâce aux conseils avisés du service des Archives départementales de la Vienne, il a été possible de consulter le dossier d’instruction ouvert par le présidial de Poitiers (cote 1 B 2/21-bis) et un monitoire promulgué par l’official du diocèse de Poitiers (cote 1 J 1101) concernant cette affaire. On en tire quelques informations complémentaires sur Jean BOUSSET.

Présidial Poitiers, Monitoire, AD86

Monitoire promulgué en novembre 1714 par l’official du diocèse de Poitiers, Archives départementales de la Vienne ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

Le vol a été commis dans la nuit du 16 au 17 novembre 1714.
Sur la base de plusieurs témoignages un avis de recherche a été lancé avec le descriptif suivant : « de moyenne taille, le visage un peu long rouge vermeille gaté un peu de petite vérole le nez long et étroit assez beau visage ayant un chapeau à grand debord bordé d’or, une perruque courte tirant sur le blond nouée par les deux cotés, un habit de pinchina couleur de canelle, une veste et une culotte de chamois bordés d’un petit galon d’argent, une épée ou petit sabre à son cotté dont la poignée de façon d’agathe ou une petitte pomme de cuivre jaune, chaussé de guêtre detoille barrée. »

L’individu a été retrouvé. Il s’agit de Jean BOUSSET a dit être natif de Chabournay, marchand âgé d’environ 34 ans, fils de Vincent DOUSSET laboureur, demeurant à Arbois (Harbois) en Comté (Franche Comté). A noter qu’il sait écrire.

Il a une sœur Renée mariée avec un « tixeran » de la paroisse de Saint-Laurent-de- Jourdes (on trouve effectivement sur le site Internet Herage du CGP le mariage de  Renée BOUSSET avec François BOSIER le 3 février 1700 à Saint-Laurent-de- Jourdes), un beau-frère André LAURENSIN marchand blastier (on trouve effectivement sur Herage un André LAURENCIN marié à Vendeuvre-du-Poitou le 5 février 1690 avec Gabrielle BOUSSER fille de Vincent et de Gabrielle MANYE dont l’orthographe est plutôt DEMANGE) et une autre sœur mariée avec Laurent DEPOUDREL.

On trouve aussi sur Geneanet des données sur l’ascendance et la descendance de Renée BOUSSET précitée.

Une exécution rapide

Le dossier consulté aux Archives départementales n’est pas exhaustif, et on peut s’interroger sur la rapidité de l’exécution d’une sentence de condamnation à mort jugée par la chambre criminelle le 11 mai 1715, sans trace d’un appel au parlement de Paris ou de sa confirmation. Mais il est fait allusion dans l’un des documents, de « jugement  présidiale en dernier ressort (le nom de Dieu le premier apelé) », « attendu qu’il s’agit d’un sacrilège fait avec effraction ».

Jean BOUSSET a nié les faits, prétendant se trouver en Suisse à cette époque là, et il est difficile de connaître précisément les preuves de sa culpabilité à travers les pièces disponibles. On peut néanmoins penser que les paramètres suivants ont dû y contribuer, à savoir :

  • la description détaillée ayant probablement permis de l’arrêter,
  • les multiples témoignages évoquant sa présence à Poitiers notamment le soir près de l’église,
  • le fait d’avoir fait faire par un taillandier un outil correspondant aux traces de l’effraction (l’expertise scientifique ne date pas d’aujourd’hui),
  • la possession d’un petit crucifix de vermeil (fragment d’objet volé selon expertise d’un maître orfèvre),
  • la fréquentation de l’auberge du plat d’étain où il a laissé des affaires et d’un cabaret de Poitiers avec le témoignage de discussions,
  • la présence sur le site de Mirebeau d’un almanach déchiré de 1713 imprimé à Besançon (présent dans la liasse des AD86) après un vol effectué le 27 juin 1713.

A noter que le 29 avril 1715, il a fait une tentative de suicide par pendaison dans le cachot où il était retenu prisonnier.

Pour crime de vol de vases sacrés et profanation du Saint Sacrement, le 10 mai 1715 il a été requis contre lui « de faire amende honorable nud en chemise, la corde au col, tenant entre ses mains une torche de cire ardente de poids de deux livres devant la grande porte principale entrée de l’Eglise St Cibard où il sera mené par l’exécuteur de la haute justice ayant deux écriteaux devant et derrière avec ce mot Sacrilège, et estant nud teste et à genoux déclarera que méchament il a vollé la dite Eglise, dont il demande pardon à Dieu, au Roy et a justice Ce fait aura le poing coupé sur un poteau qui sera planté devant la dite Eglise après quoi il sera mené par le dit Exécuteur de la haute Justice en la place publique du pilory de cette ville pour y être attaché a un potteau avec une chaisne de fer sur un bucher et brullé vif, son corps réduit en cendres et ycelles jettées au vent, en cinquante Livres d’amende envers le Roy, et que premice de soufrir mort le dit Bousset soit apliqué a la question ordinaire et extraordinaire pour aussi révélation de ses complices et y estres interrogé sur les vols ds Eglises de Mirbeau, Vouzailles et Mauleon. »

La mention de son exécution dans le registre de la paroisse de Sainte-Radegonde figure après un acte du 12 mai 1715 et avant un acte du 16 mai, et du dossier précité on peut savoir qu’il était déjà mort avant le 14. On peut donc penser qu’il a été exécuté le jour même de la sentence.

On n’y allait pas de main morte à cette époque !


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