Accoucheuse jusqu’à son dernier souffle

Le 15 avril 1773, les Affiches du Poitou rendent hommage à une centenaire de Jardres.

« La nommée Françoise Bodin, veuve en troisièmes noces de Pierre Multeau, maréchal au village de Pressac, Paroisse de Jardres, à une lieue de Chauvigny, est morte depuis peu, âgée d’environ 105 ans, sans avoir eue jamais aucune maladie, pas même la petite vérole, ni la rougeole. Son premier état, jusqu’à l’âge de 25 ans a été celui de Couturière, & depuis jusqu’à l’âge de 102 ans, elle n’a exercé que celui d’accoucheuse. Elle n’a eu d’autre infirmité pendant toute sa vieillesse qu’un peu de surdité. Elle n’est morte que parce que la nature défailloit, & sans douleur ; elle travailloit encore 10 jours avant sa mort, & elle a joui de toute sa raison jusqu’au dernier moment. »

Françoise BODIN a été inhumée le 23 mars 1773 à Bonnes en présence de Pierre DION, François ORILLARD, Marie DION et Magdeleine DION (AD 86 – BMS 1761-1773 vue 118). Elle était dite âgée de 100 ans sur son acte d’inhumation.

Elle avait épousé Pierre MULTEAU, maréchal, le 24 septembre 1720 à Chauvigny (AD 86 -BMS 1713-1720 vue 95). Elle avait alors une cinquantaine d’années. Son époux était décédé depuis le 11 avril 1748 à Jardres (BMS 1737-1751 vue 60) et avait épousé auparavant Jeanne MOREAU, en premières noces, le 08 janvier 1645 à Chauvigny (BMS 1693-1713 vue 25) et Marie NEGRIER, en secondes noces, le 12 février 1703 à Poitiers (BMS 1702-1704 vue 31).

Françoise BODIN semble avoir eu une longue carrière en tant qu’accoucheuse et ce jusqu’aux derniers jours de sa vie. Son expérience et sa pratique avaient sans doute été reconnus par la communauté.

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L'art de l'accouchementDurant tout le moyen âge, les « accoucheuses » n’étaient pas formées et avaient peu de connaissances théoriques. Ces femmes étaient désignées par le terme de « matrones » ou « ventrières ». A cette époque, la matrone devait aider les femmes à mettre au monde leurs enfants mais elle exerçait également un rôle social et religieux (présentation de l’enfant sur les fonts baptismaux).

Elle était souvent âgée et désignée par l’ensemble des femmes de la paroisse en présence du curé. N’importe qui pouvait prétendre être matrone : pour assister une femme en couches, il fallait avoir subi soi-même l’épreuve de l’accouchement. Le fait d’avoir une nombreuse progéniture qualifiait d’autant plus pour cette fonction. A défaut de mère de famille, la femme mariée sans enfant pouvait être acceptée par la communauté et le curé pour qui le mariage était un gage de moralité.

Angélique Marguerite du COUDRAY (1712-1794)

Angélique Marguerite du COUDRAY (1712-1794)

Au XVIIIe une femme va révolutionner l’enseignement de l’accouchement. Munie d’un brevet royal délivré par Louis XV qui l’autorise à donner des cours dans tout le royaume, Angélique Marguerite du COUDRAY va entreprendre à partir de 1759 un voyage de 25 ans à travers toute la France pour enseigner l’art de l’accouchement. Elle va publier un « Abrégé de l’art des accouchements » qu’elle va illustrer de gravures en couleur et concevoir le premier « mannequin obstétrique ». Au cours de la formation qui durait deux mois les élèves étaient invitées à s’exercer sur le mannequin. Cet enseignement pratique du geste obstétrical correspondait à la volonté d’Angélique du COUDRAY de rendre ses leçons « palpables » puisqu’elle s’adressait à des femmes de la campagne peu instruites et « des esprits peu accoutumés à ne rien saisir que par les sens ». Ces formations vont contribuer à une importante diminution de la mortalité infantile.

Les bienfaits de cet enseignement sont ainsi présentés dans les Affiches du Poitou le 25 février 1773 dans un article intitulé « Cours public & gratuit sur l’art de l’accouchement« .

« Le public est averti que le sieur Maury, Maître en chirurgie de la ville de Poitiers, y commencera les leçons publiques & particulières sur l’art des accouchements le 15 du mois de mars prochain, & se servira pour les démonstrations de la machine composée par la Dame du Coudray, Maîtresse sage-femme de Paris, brevetée du Roi ; auxquelles leçons seront reçues gratuitement les élèves qui se présenteront tant des villes que des paroisses de campagne, même celles que les seigneurs des paroisses, les officiers municipaux des villes, & habitants de gros bourgs jugeront à propos d’y envoyer, pour se former ; à la charge de représenter avant leur admission, un certificat du curé ou vicaire de leur paroisse, qui constate leurs bonnes vie & mœurs. Cet établissement dont on a ressenti jusqu’à présent les meilleurs effets, a pour but un objet trop précieux à l’humanité, pour n’être pas persuadé qu’on s’empressera à en profiter. »