Curzay-sur-Vonne : les registres disparaissent…deux curés en perdent la tête !

Eglise St Martin de Curzay-sur-Vonne, façade occidentale

Eglise St Martin de Curzay-sur-Vonne, façade occidentale

René GALLOIS est arrivé à la cure de Curzay en mai 1791. Auparavant, il était aumônier à Menigoute (79). En 1792, il procède à un inventaire des registres paroissiaux et note le constat suivant :

« Je curé de la paroisse de Curzay, district de Lusignan, ayant fait à mon entrée dans ladite cure l’examen des registres de naissances, mariages et décès en la dite commune, n’y ay pas trouvé celui de l’an mil sept cent quatre vingt deux, en ayant fait des perquisitions on m’a répondu que le sieur Galtier ancien curé de la paroisse l’ayant laissé tomber dans quelques liquides gras, un chien l’avait emporté et mangé ». Curzay le 2 février mil sept cent quatre vingt douze signé Gallois (déniché et transcrit par Thèrese LIOT CGP 539 – publié dans la revue Herage n. 54 page 21)

En 1792, le curé a donc perdu une année sur le registre. Et pourtant en parcourant les registres des archives départementales de la Vienne en ligne, on trouve bien les actes de cette année là. Un double avait sans doute été déposé au greffe du bailliage comme cela avait été rendu obligatoire par l’Ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539.

Il est assez cocasse de constater que la perte de ce registre a touché deux curés qui ont fini par perdre la tête : l’un par la guillotine et l’autre par une femme.

Antoine GALLETIER a été curé de Curzay de 1780 à avril 1791. Âgé de 52 ans, il avait refusé de prêter serment à la constitution civile et pourtant « il n’en continuoit pas moins à veiller au salut de ses paroissiens, malgré la loi de déportation » (2). Il sera arrêté et conduit le 9 avril 1793 à la prison de la visitation de Poitiers. Le tribunal du département de la Vienne, siégeant à Poitiers, et devant lequel il comparut pour être jugé, prononça contre lui une sentence de mort en le qualifiant de « prêtre réfractaire ». Il sera guillotiné sur la place du Pilori (1) le 18 mars 1794 avec seize autres prêtres réfractaires.

René GALLOIS restera à la cure de Curzay de mai 1791 à décembre 1792. Par la suite on retrouvera sa signature à Curzay en tant qu’officier public (avril 1794), puis instituteur public (1798). En 1801, il apparaîtra comme adjoint au maire et enfin comme maire de novembre 1910 à février 1816. Entre-temps, le curé s’était marié ! Le 13 ventôse de l’an II, René, âgé de 35 ans, épousera Marie Jeanne DUCARROY, âgée de 23 ans. Bien qu’étant domiciliée au bourg de Curzay en 1794, elle était originaire de Ménigoute où elle était née. On peut supposer que le curé l’avait connue et fréquentée à Ménigoute où il officiait en tant qu’aumônier et peut être même qu’il l’avait amenée avec lui à Curzay-sur-Vonne. Le couple aura au moins 5 enfants tous nés à Curzay. La famille s’intallera à Monts-sur-Guesnes où René continuera à exercer le métier d’instituteur ainsi que 2 de ses enfants. René et Marie Jeanne finiront leur vie à Monts-sur-Guesnes, le premier en 1832 et la seconde en 1844.

(1) La place du Pilori est ainsi nommée depuis 1307. C’est à cet endroit que les malfaiteurs sont exposés à la foule pour servir d’exemple et qu’on installe la guillotine pendant la Révolution. Cette place est rebaptisée place de la Liberté en 1900. La loge maçonnique y fait ériger en 1903 une statue de la Liberté éclairant le monde, copie réduite de l’œuvre de Bartholdi offerte à la ville de New York. (Source : OT de Poitiers)

Nota : Brigitte Snejkovsky a également relevé des curiosités sur le registre de Curzay-sur-Vonne sur son blog « Chroniques d’antan et d’ailleurs ».


Sources et liens :

AD 86, Geneanet

Monographie « Rouillé : son origine, son histoire : paroisse de Rouillé » par Hilaire Baudoin, édition :  1912 (sur Gallica)

Le site « Les Guillotinés de la révolution française »

(2) Extraits du « Martyrologe du clergé français pendant la révolution », ed 1840

Visite à Poitiers d’un petit personnage de très haut rang

Au cours de nos recherches ou relevés, nous dénichons parfois des actes qui sortent de l’ordinaire. Les curés allaient de temps en temps au delà du recensement des événements religieux de leurs ouailles et utilisaient les registres pour faire leurs comptes ou témoigner sur des phénomènes météorologiques ou épidémiques. En 1722, à Poitiers, le curé de Sainte Radegonde évoque la visite d’un petit personnage de haut rang :

BMS 1721-1722 vue 39/64

BMS 1721-1722 vue 39/64

Le treizième jour de février mil sept cent vint et deux à quatre heures du soir est arrivé en cette ville l’Infante d’Espagne fille de Philippe cinquième du nom, roy d’Espagne de la maison de Bourbon de France aagée de près de quatre ans pour aller épouse Louis quinzième du nom roy de France son cousin issu de germain qui a douze ans. On luy a rendu les mêmes honneurs qu’à la reine lui donnant même cette qualité dans toutes les harrangues qui lui ont été faites. Près de trois cents gentilhommes ont été au devant d’elle jusqu’à Croutelle et l’ont conduites près le Grand Pont. Monsieur le Marquis de la Carte Thibault était à la tête de cette brillante noblesse par ordre de Philippe d’Orléans, Régent de France ayant tenu table ouverte de plus de cent couverts pendant quatre jours que la reine a été à Poitiers. On a tapissé les rues de son passage depuis la porte de la Tranchée jusqu’au plan de Saint-Didier où elle a logé et en partant depuis Saint-Didier jusqu’à la porte de Paris. Madame la Duchesse de Ventadours, Madame la Princesse de Soubise et plusieurs autres dame de la cour accompagnaient la reine en ce voyage. Le régiment de Gresbrian Dragons en ganison ici pour ce passage y brilloit. Enfin toute notre ville s’est signalée pour cette réception en sorte que toute cette Cour a bien voulu convenir que nous l’avions emporté sur tous les autres endroits de leur route. Dieu veule que le Roy fasse attention au bon cœur de nos habitants et de notre province. Amen (déniché et transcrit par Thérèse BRILLANCEAU CGP 212 – paru dans Herage num 40 – mars 1993)

Louis XV et sa fiancée Marie-Anne de Bourbon par François de Troy en 1723 (Palais Pitti)

Louis XV et sa fiancée Marie-Anne de Bourbon par François de Troy en 1723 (Palais Pitti)

Attardons nous un peu sur certains protagonistes cités dans l’acte.

L’Infante d’Espagne

Ainsi, nous avons une trace du passage « en fanfare » à Poitiers de l’Infante Marie-Anne Victoire de BOURBON fille de Philippe V d’Espagne, petit-fils de Louis XIV, et d’Elisabeth FARNÉSE. Elle était en route pour rejoindre à Versailles son futur époux Louis XV. Cette union devait améliorer les liens entre la France et l’Espagne qui avaient été fortement malmenés les années précédentes. Cette petite poupée, que l’on appellera « l’infante-reine », demeurera toutefois une fiancée éphémère. En effet, elle sera renvoyée en Espagne à l’âge de 7 ans après la rupture brutale des fiançailles. Pour en savoir plus, voir l’article de « Plume d’Histoire ».

Madame de Ventadour

La présence de Charlotte-Éléonore Magdeleine de LA MOTHE-HOUDANCOURT s’explique par son rôle de gouvernante de Louis XV. Elle occupe cette charge depuis 1710. Elle était déjà gouvernante des enfants royaux depuis 1704. Des liens très proches vont se tisser entre Madame de VENTADOUR et Louis XV : il l’appelait tendrement sa « chère maman » et « maman Ventadour ». Preuve de l’attachement et de la confiance du roi, c’est Marie-Isabelle-Angélique-Gabrielle de ROHAN-SOUBISE, duchesse de TALLARD, petite fille de Madame de VENTADOUR, qui aura la charge d’élever les enfants de Louis XV.

Madame de Soubise

Anne Julie Adélaïde de MELUN d’ÉPINAY, arrière petite-fille d’Henri IV, épouse de Jules François Louis de ROHAN (petit-fils de Madame de VENTADOUR, prince de Soubise et capitaine lieutenant des gendarmes de la garde) devait probablement accompagner la grand-mère de son mari au cours de ce déplacement. En avril 1722, elle sera nommée gouvernante des enfants de France en survivance et conjointement avec Madame de VENTADOUR. En mai 1724, elle décédera de la petite vérole à l’âge de 25 ans, tout comme son mari qui l’aura précédée de quelques jours.

La marche et l'arrivée de l'Infante-Reine à Paris (Source : Gallica)

La marche et l’arrivée de l’Infante-Reine à Paris (Source : Gallica)