#ChallengeAZ │ U… Usson, casse-tête pour le facteur

Usson-du-Poitou, Vienne 86, place de l'église

En France, sur la carte de Cassini, quatre villages portent le nom d’Usson :

  • un en Auvergne,
  • un autre dans le Forez,
  • un troisième dans le Poitou,
  • un quatrième en Charente.

Celui qui nous intéresse aujourd’hui est celui qui est dans la province du Poitou, au sud de Poitiers, maintenant dans le département de la Vienne, canton de Gençay. Au XIXe siècle, Usson devient Usson-du-Poitou.

Carte de Cassini issue de l’exemplaire dit « de Marie Antoinette » du 18éme siècle, Géoportail.fr ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

Nous allons examiner comment et pourquoi Usson a changé de nom.

Si nous nous reportons au dictionnaire topographique du département de la Vienne, le village d’Usson se prénommait Victaria Icioninsis en 913. Le nom d’Usson est apparu début XVe siécle, avec Husson en 1408, Usson en 1479.

L’église du village est placée sous le vocable de Saint-Pierre. Les baptêmes, mariages, décès sont notés par les prêtres de la paroisse dans les registres paroissiaux de 1611 à 1792 où le nom d’Usson est indiqué. Les registres de 1611 à 1632 sont très dégradés, le nom d’Usson est par contre clairement indiqué de 1632 à 1792. 

Papier baptismal – Première page du registre de 1632 © Archives départementales de la Vienne

A partir de 1793, les  actes de naissances, mariages, décès sont notés dans les registres d’état civil qui sont tenus par les mairies. La commune est toujours nommée Usson.

Un bureau de poste est ouvert à Usson en 1830.  C’est un bureau de distribution. (source : « Marques postales de la Vienne » de Christian Bernard, édition 2016)

La cursive 80/Usson est utilisée par ce bureau (80 indique le département de la Vienne).

 

C’est en 1846, qu’apparaît sur les lettres, le nom de Usson-du-Poitou.

 

En 1857, le cachet confirme « Usson-du-Poitou »

 

 

En 1895, les registres d’état-civil indiquent par contre toujours le nom de la commune d’Usson.

Première page du registre des naissances d’Usson en 1895 © Archives départementales de la Vienne ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

Ce n’est que le 21 février 1895 qu’un décret est publié modifiant le nom d’Usson en Usson-du-Poitou.

Bulletin des lois de la République française n°1691 page 751

Dès l’ouverture du registre de 1896, le nom d’Usson-du-Poitou est indiqué sur la première page.

Première page du registre des naissances d’Usson en 1896 © Archives départementales de la Vienne

Depuis l’apparition du décret en 1895 la modification du nom d’Usson en Usson-du-Poitou est appliquée.

Il est à noter que les registres du recensement de la population de la commune, de 1851 à 1911, continuent d’indiquer Usson excepté pour l’année 1906.

En conclusion :

Le changement de nom a été initialisé officiellement par la poste en 1846. Comme il y avait plusieurs « Usson » dans la France, il était difficile de savoir où la lettre devait être acheminée aussi l’administration des postes a modifié le nom d’Usson en ajoutant la province française qui correspondait au village. Ensuite il a été demandé à l’administration française d’entériner cette modification dans les documents officiels ce qui fut fait en 1895 soit près de 50 ans plus tard..

Pour les Ussonnais et les Ussonnaises, il est toujours dit : « Usson ».

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#ChallengeAZ │ T… De Thuré en Mauritanie, hommage à un combattant vétérinaire

Léon Olivier AMIET, vétérinaire, né à Thuré, combattant en Mauritanie

Léon Olivier AMIET © photo Cl. BOURREAU

En allant au cimetière de Thuré, sur les tombes de nos ancêtres, je suis intriguée par un monument funéraire qui se trouve à l’entrée près de la grande porte à double battant. Ce monument indique le nom du lieutenant O. AMIET, son lieu et sa date de décès et donc j’ai décidé de faire des recherches sur cette personne.

Sa naissance

Léon Olivier AMIET est né le 11 avril 1882 à Thuré. Il est le fils de Jules, âgé de 26 ans et de Marie JOLLY, âgée de 28 ans, tous deux mariés à Thuré le 6 mai 1878. Ses grands-parents du côté paternel sont François AMIET et Jeanne BRUNEAU et du côté maternel Jean JOLLY et Marie BARBOTTIN. Il a eu quatre frères : Firmin Jules François, Norbert (décédé quelques jours après sa naissance), Emile Romain et Jules.

Acte de naissance de Léon Olivier AMIET à Thuré, Vienne, vétérinaire, généalogie

Acte de naissance de Léon Olivier AMIET – Registres de Thuré NPMD 1878-1882 vue 142 © Archives départementales de la Vienne ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

Son parcours d’étudiant

Léon Olivier fréquente l’école primaire de Thuré puis fait ses études à Châtellerault. En 1901, il entre à l’école vétérinaire d’Alfort et en sort diplômé en juillet 1905 (il est 48e sur 63 et le seul de la Vienne cette année-là).

Son parcours militaire

Après une année passée comme aide vétérinaire stagiaire à l’école d’application de cavalerie de Saumur, il est affecté au 25e dragon le 29 juillet 1906 avec le grade d’aide vétérinaire. En octobre 1906, il passe au 5e chasseur à Neufchâteau.

Il est un des premiers adhérents de l’association amicale des vétérinaires militaires. Il devient vétérinaire militaire par décision du 26 février 1908 au 5e régiment de chasseur. Placé hors cadre, il doit attendre les instructions du ministre des colonies et est mis à la disposition du gouverneur de l’Afrique Occidentale qui lui confie par la suite « la mission de contribuer à l’organisation des compagnies de méharistes qui devaient opérer sur les confins de l’Adrar (Mauritanie) et d’étudier les diverses maladies qui sévissaient sur les chameaux de cette région ». (La semaine vétérinaire du 27 mai 1911)

Le 10 juin 1908, son chef part à la recherche d’un puits. Pendant ce temps, AMIET resté à Talmest conserve le détachement avec 60 hommes, 1 mitrailleuse, 80 chameaux et les objets de campement.

Le 14 juin 1908, il se heurte à une forte bande de guerriers fanatiques armés de fusils à tir rapide qui vient d’exterminer la colonne du capitaine MANGIN. Il organise la défense, sa mitraillette refuse de fonctionner, les chameaux sèment le désordre dans le camp. Il résiste jusqu’à une heure du matin et une charge de baïonnette déroute complètement l’ennemi. Le détachement perd 12 personnes et on dénombre 11 blessés pendant cette attaque. Le 20 juin, Léon Olivier adresse un rapport relatant les péripéties du combat. Pendant les combats, deux balles ont traversé son casque.

Après ce brillant fait d’armes, apprécié par ses camarades comme un des plus beaux sous le drapeau français en Afrique Occidentale, il est proposé à vingt six ans à la légion d’honneur. Le 1er septembre 1908, il est nommé vétérinaire en second.

Son décès

Le 15 décembre 1908, il meurt à Moudjera (ville au centre de la Mauritanie située dans la région du Tagant) des fièvres paludéennes non loin du champ de bataille de Talmest, sans avoir eu le temps d’être décoré.

M. Ansbert LAQUERRIERE (1837-1915), ancien vétérinaire militaire, rend un hommage ému à Olivier AMIET,  « jeune vétérinaire en 2e, pour sa belle conduite en Mauritanie au combat de Talmest qu’il a dirigé quand les chefs ont été tués. Il ramena les débris de la colonne. Il a succombé aux suites d’anémie et de paludisme quelques temps après ce glorieux fait d’armes. C’est un nom de plus à inscrire dans le livre d’or des vétérinaires militaires que j’ai créé à Saumur. » (Le bulletin de la Société des sciences vétérinaires de Lyon du 27 mars 1909)

En août 1909, M. le vétérinaire principal Eugène AUREGGIO (1844-1924) adresse aux députés de la Vienne une supplique en vue d’obtenir la restitution à la famille de la dépouille mortelle. Le gouvernement de l’Afrique Occidentale écrit à la famille dans les termes suivants : « J’ai l’honneur de vous faire connaître qu’en raison de la belle conduite de votre regretté fils au combat de Talmest et des fatigues qu’il s’est imposé en Mauritanie, j’ai décidé que l’administration de l’Afrique occidentale prendra à sa charge les frais d’exhumation et de transfert des restes mortels à Thuré (Vienne) ». (La revue vétérinaire 1910)

Le 15 décembre 1909, l’acte de décès est retranscrit dans les registres de l’état-civil de Thuré.

Transcription partielle de l’acte de décès de Léon AMIET faite sur les registres de Thuré le 25 octobre 1909 (NPMD 1908-1909 vue 72) © Archives départementales de la Vienne ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

En décembre 1910, une circulaire autorise les militaires à participer à la souscription ouverte en vue de l’érection d’un monument au vétérinaire AMIET.

Le 25 avril 1911, les cendres arrivent à Châtellerault et le 26 avril il est inhumé dans le cimetière de Thuré. Sur le char funèbre décoré de faisceaux de drapeaux étaient fixées de splendides couronnes en fleurs naturelles et artificielles. Les cordons du poële (drap funéraire) étaient tenus par M. ESCLAUZE, vétérinaire en 1er du 25e dragons, par M. MOREAU de Sossais, par un lieutenant des services administratifs du génie et par un condisciple du défunt.

Au cimetière, cinq discours furent prononcés par :

  • Le Maire de Thuré,
  • M. ESCLAUZE, vétérinaire de l’armée et représentant de l’association amicale des vétérinaires militaires,
  • M. BOLTZ, vétérinaire au nom de la Société des vétérinaires de la Vienne,
  • M. le Président de l’association des anciens élèves du collège de Châtellerault,
  • M. le Principal du collège de Châtellerault.

Les journaux nationaux comme « Gil Blas », « L’Univers », « La Croix » informent leurs lecteurs du décès d’Olivier AMIET.

Nécrologie dans le périodique « L’Univers » du 04 janvier 1909

Thuré rend hommage à Olivier AMIET

Monument hommage à Léon Olivier AMIET, cimetière de Thuré © photo Cl. BOURREAU ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

Un monument est inauguré le 7 juillet 1912 à Thuré.

Le ministre de la Guerre est représenté par le lieutenant colonel JANIN du 32e régiment d’infanterie. Celui-ci est accompagné d’une délégation d’officiers de la garnison de Châtellerault. Des discours sont prononcés par M. CHAMPIGNY, maire de Thuré, le lieutenant-colonel JANIN, le vétérinaire départemental BOTZ, le président de l’Amicale des anciens élèves du collège de Châtellerault. La fanfare de Thuré joue « La Marseillaise » et de nombreuses couronnes sont déposées au pied du monument.  M. le commandant CHAMPIOT, président du souvenir français dépose au nom du siège social de Paris, une couronne au pied du monument. Une palme est déposée au nom de ses camarades sur sa tombe par M. DUVAU.

Je rends hommage à ce combattant vétérinaire en Mauritanie.

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#ChallengeAZ │ S… Saint-Jean-de-Sauves, un Clémentois en Martinique

 

Séraphin CONTREAU et son épouse Marie au mariage de leur petite fille © photo coll. privée ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

 

Séraphin CONTREAU, dit « le père la Martinique »

Je suis né le 28 janvier 1837, « sur les une heure du matin » dans la maison de la grand’cour à Saint-Jean-de-Sauves, je suis le 3e enfant de Pierre et de Marie PELLEVRAU. C’est l’adjoint VALLET, officier de l’état civil ce jour qui enregistra ma déclaration de naissance devant deux témoins, René AUCHER, maréchal, 39 ans et Bernard ROCHE, 27 ans marchant, et ils demeurent tous les deux à Sauves, seul mon père sait signer, et VALLET l’adjoint signe son 5e acte de l’année 1837.

Signature de mon père – Registre des naissances 1833-1842 vue 45 © Archives départementales de la Vienne

J’apprends à lire et à écrire à l’école communale, je vais avec mes parents à l’église. À 20 ans, au conseil de révision à Moncontour, je suis « bon pour le service », je tire au sort le numéro 2, je suis de la première portion du contingent, je vais partir pour 5 ans.

Je suis  incorporé le 10 novembre 1858 au 1er régiment de marine, place de Cherbourg où je suis l’instruction militaire et m’exerce à l’escrime. J’embarque à Cherbourg le 26 août 1859 sur le bateau à vapeur « le Souffleur » puis transbordé à Lorient le 29 sur la régate « Le Cers », pour débarquer à Fort de France en Martinique à plus de six milles kilomètres de la métropole. Le bateau transporte des militaires et des bagnards.

Le 13 février 1863 j’embarque sur le bateau « l’Entrepreneur » pour arriver à Cherbourg le 22 mars. Le 1er janvier 1878, je reçois mon congé définitif, signé du commandant du bureau de recrutement de Châtellerault.

Je me marie le 9 janvier 1866 à Saint-Jean-de-Sauves avec Marie MERCIER, fille de Pierre et de Jeanne GIVELET.

Avec ma femme, je cultive mes terres et élève quelques chèvres, puis j’exerce le métier de garde champêtre et je suis également sacristain comme mon père. Nous avons deux enfants, Séraphin né le 17/12/1866 et Alcide le 20/11/1870.

Je suis bien connu pour mon caractère, un jour j’ai même verbalisé ma femme car ses (mes) chèvres étaient dans le dommage !

Saint-Jean-de-Sauves, rue de l'église

Le 8 mai 1902, la montagne Pelé, à la Martinique, entre en éruption, en quelques minutes la ville de Saint Pierre a été entièrement détruite tout ce qui était alors la plus grande ville de l’île. Quand je lis l’événement dans le journal je suis effondré, la ville de Saint Pierre, la perle des Caraïbes, que j’ai bien connue, est recouverte de la lave du volcan.

Journal de la Vienne, mais 1902, AD86

Extrait du Journal de la Vienne du lundi 12 mai 1902 © Archives départementales de la Vienne ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

Mon arrière-arrière-petite-fille a entendu parler de moi sous le surnom « le Père La Martinique » et cherche à savoir ce que j’ai fait là-bas.

Est-il possible de trouver dans les archives militaires de la Martinique ou en métropole le parcours de cet ancêtre ?

Mariage d’Hubert BOUTHET et Chérie CONTREAU, petite fille de Séraphin © photo collection privée ▲ clic sur l’image pour l’agrandir


Le PLUS à consulter :

  • Archives départementales de la Vienne : sous-série 9 R – tirage au sort, recensement, registres matricules de l’an IX à 1940.
  • L’organisation de la conscription en France détaillée sur le site « le parcours du combattant de la guerre 14-18 », pour « retracer le parcours d’une recrue » vous trouverez des données sur « les lois du recrutement » et le déroulé d’un « conseil de révision ».

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#ChallengeAZ │ R… Rouillé, sauvetage d’un cimetière protestant

Cimetière de Boisgrollier à Rouillé © Sandrine POURRAGEAU

Des cimetières, il y en a partout à Boisgrollier depuis le 18ème siècle, conséquence de l’interdiction d’inhumation dans les cimetières catholiques, du Roi Louis XIV, dans sa lutte contre les protestants pour faire disparaître cette religion. Pour ce faire, il révoqua l’Edit de Nantes en signant l’Edit de Fontainebleau, le 22 octobre 1685. Le protestantisme devenait dès lors, interdit sur le territoire français.

Pendant cette période difficile, les protestants « opiniâtres » étaient enterrés clandestinement dans un coin de jardin, de pré ou de vigne et rien ne signalait leur tombe. Mais à partir de 1736, l’inhumation fut autorisée, à condition « qu’elle se fasse de nuit et sans scandale !  » Ainsi, les protestants n’ont plus eu à dissimuler les lieux de sépultures de leurs défunts et les cimetières de famille se multiplièrent.

A Boisgrollier, village situé sur la commune de Rouillé, à la limite de la Vienne et des Deux-Sèvres, les cimetières familiaux protestants font partie du paysage. Dans ce village d’environ 10 maisons, il n’y a pas moins de 8 cimetières, dont un très grand de plus de 56 tombes (celui-ci ayant fait l’objet d’un « relooking » grâce à la joyeuse et courageuse équipe du Cercle Généalogique Poitevin ). On peut dire, que dans ce coin reculé du Poitou, la mort fait partie de la vie. Certains pourraient en être effrayés surtout à notre époque où on a plutôt tendance à l’ignorer voire même la mépriser.

La « grande faucheuse » selon l’expression populaire, est omniprésente à Boisgrollier, mais faut-il s’en offusquer ? Le rapport à la mort m’est plutôt familier. Est-ce le fait d’avoir depuis toujours, dans ma famille maternelle et paternelle, côtoyé cet environnement très caractéristique qu’est celui des cimetières familiaux protestants ?

Fête des morts au Mexique © Pholo Claude ALLARD

Lors de mon voyage au Mexique, j’ai découvert des pratiques très inhabituelles. Les Mexicains ont un rapport à la mort qui interpelle. C’est pour eux un fait culturel qui remonte aux civilisations précolombiennes. Les rituels de sacrifices humains nous paraissent monstrueux : c’était leur façon d’adorer les dieux. Chaque année, à la Toussaint, le 2 novembre, c’est jour de fête pendant lequel règne la joie. On partage ce moment avec le mort au cimetière, en mangeant et buvant sur la tombe ouverte (si la personne est décédée depuis plus d’un an) et le tout en musique !

La fête des morts dans nos contrées est bien moins festive, mais en pays protestant, on la côtoie au quotidien, puisqu’elle se situe dans notre champ de vision. On vit avec la mort. Consciente que peu de personnes connaissent cette particularité du paysage protestant poitevin, j’ai eu l’occasion d’emmener un groupe d’amis visiter mon petit village de Boisgrollier. A la découverte des cimetières plus ou moins bien entretenus, et notamment un cimetière de 50 tombes, leur réaction a été unanime : « Il faut faire quelque chose ! on ne peut pas le laisser à l’abandon, par respect pour les personnes enterrées dans ce lieu ». Lieu très sinistre, lorsque l’on voit son état. 

Afin de clore ce propos qui peut paraître dérangeant pour certains et pour rassurer ceux que la mort rebute, voici une citation humoristique  de Samuel Langhorne Clemens, dit Mark Twain, (Tom Sawyer) écrivain essayiste et humoriste américain : « Parmi les dépenses inutiles : les murs des cimetières….ceux qui sont dedans ne peuvent pas en sortir et ceux qui sont à l’extérieur, ne veulent pas y entrer »

Sauvegarde du patrimoine

Dans le numéro 140 de la revue Herage, j’ai raconté comment cinq membres du Cercle Généalogique Poitevin ont remis en lumière le cimetière des 50 tombes de protestants inhumés à Boisgrollier.

Récapitulatif des tombes de Boisgrollier
(clic sur les images pour agrandir)

 

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#ChallengeAZ │ Q… Queaux, sur la route des voituriers

Queaux, vue générale

Queaux, prononcez « kio » avec l’accent local, est une petite bourgade du sud-est de la Vienne qui fait partie de l’arrondissement de Montmorillon et située aux confins de la Marche et du Poitou. Le bourg est construit au bord de la vallée de la Vienne sur le flanc d’une colline.

C’est à Queaux, en 1858, que Louis MARTIN, 48 ans veuf de Marie IMBERT, va épouser Jeanne BONNEAU et qu’il va s’y installer définitivement puisque c’est là qu’il finira sa vie. Il est l’un des 13 enfants identifiés de Louis et Jeanne FERRAND. En 1858, les parents étaient décédés à Persac 11 ans auparavant pour le père et 5 ans pour la mère. Louis est né à Persac, bourgade située en face de Queaux sur l’autre rive de la Vienne. La traversée entre Persac et Queaux s’effectuait par l’intermédiaire d’un bac et il est certain qu’aussi bien Louis que sa famille a très souvent emprunté ce bac dans le cadre de sa profession. Louis est voiturier et il est issu d’une longue lignée de voituriers qui ont arpenté les routes de la Vienne et des départements limitrophes.

Nous avons été très intrigués la première fois que nous avons rencontré ce métier dans notre généalogie. Naïvement et sans doute par manque de connaissance des particularités économiques de la contrée, nous avons imaginé que ces voituriers étaient des précurseurs de nos autocars modernes. Cette imagination, qui nous apparaît farfelue aujourd’hui, était alimentée par les images des diligences qui fleurissent dans les pages des bandes dessinées que nous aimons parcourir. C’est en lisant avec beaucoup d’intérêt le livre « Le peuple de la forêt » d’Emmanuel DION et Sébastien JAHAN que nous avons compris notre bévue et découvert par la même occasion une communauté avec ses codes de vie spécifiques.

Ce Louis MARTIN et ses ancêtres étaient donc des voituriers de charbon ou des voituriers de fer, fortement liés à l’activité des forges, en l’occurrence la forge dite de Verrières à Lhommaizé et celle de Goberté à Gouex. Mais très vite, nos ancêtres voituriers vont nous emmener vers la forge de Luchapt dans la Vienne, celle de l’Abloux à Saint-Gilles dans l’Indre et très récemment à La Peyratte dans les Deux-Sèvres.

Situation géographique des forges fréquentées par nos ancêtres MARTIN voituriers © Géoportail

Le voiturier fait partie des métiers qui gravitent autour des forges comme les charbonniers. Dans la famille des MARTIN, les enfants sont voituriers de père en fils et les filles épousent des voituriers ou des charbonniers !

Dans le bulletin de la Société des Antiquaires de l’Ouest du 3e trimestre 1976, nous avons un descriptif très précis sur les différents métiers qui gravitent autour de la forge de Verrières à Lhommaizé. Cette forge située au sud-est de Poitiers a fonctionné de 1595 à 1886. Elle était la propriété des ducs de MORTEMART avant d’échouer à la famille de BEAUCHAMP, maîtres de forges de père en fils. Les bois environnants appartenant également aux ducs de MORTEMART, cela facilitait l’exploitation et la gestion forestière et permettait ainsi une alimentation autonome et régulière de la forge. 

Notes sur les forges du Poitou – extrait des Affiches du Poitou 08/09/1774 © Gallica BnF

Dans la chaîne de fabrication d’une forge, le voiturier intervient pour transporter les sacs de charbon, une fois le bois converti en charbon, pour le mener à la forge. D’où des liens très étroits entre les voituriers et les charbonniers.

Le chariot à charbon. Estampe de Théodore GERICAULT (1791-1824) © Grand Palais (musée d’Orsay)

Voici la description qui est faite par les Antiquaires de l’Ouest du métier de voiturier :

« Il faut transporter environ 15000 sacs chaque année, ce qui représente 750 tonnes à une distance moyenne de 5 à 15km mais parfois jusqu’à 40km. Si dans des provinces éloignées on recommande le transport par voitures tirées par des chevaux, ici en Poitou on utilise essentiellement des mulets. […] Des voituriers disposant chacun de 30 à 40 mulets menés par des valets à gages, s’engageaient à s’assurer les transports de n’importe quel matériel moyennant un prix forfaitaire, dépendant de la distance. […] Au départ, chaque voiturier doit recevoir du commis aux bois un billet indiquant le jour du départ, la quantité des mulets chargés, le nombre de sacs de « grands charbons » et de « menus charbons ». Et ce commis en tiendra le double sur son registre. A l’autre bout de la chaîne, le commis aux forges doit vérifier le billet de chaque voiturier ainsi que l’état des sacs. […] L’on peut imaginer dans ce paisible Poitou, des files de 30 à 40 mulets dirigés par un voiturier et 6 à 8 valets transporter d’un seul coup 1,5t à 2t de charbon de bois. Comme la consommation devait être très approximativement de 2t, c’est une quarantaine de mulets qui devaient venir chaque jour apporter leur chargement à la Forge. »

Extrait du Bulletin de la Société des Antiquaires de l’Ouest 3e trim 1976 – © Gallica BnF

Nous n’avons pas encore trouvé d’où est originaire le patriarche Mathurin MARTIN, époux de Renée ESLOY. Nous savons juste qu’il est décédé à Bouresse en 1710. Ses enfants sont nés à Verrières, puis Lussac-les-Châteaux et enfin à Saint-Secondin. Sur 7 enfants identifiés, 4 garçons sont voituriers. Si le patriarche semble être resté près de la forge de Verrières début 1700, on constate une mobilité rapide de ses enfants et petits enfants. Deux enfants de Mathurin vont finir leur vie à Saint-Gilles dans l’Indre près de la forge de l’Abloux en étant passé auparavant par la forge de Luchapt soit près de 90 km entre les 2 lieux.

Au XVIIIe siècle, les forges fonctionnaient à plein régime et on comprend aisément qu’elles avaient besoin d’une importante main-d’œuvre pour les alimenter en permanence. Il était donc plus aisé pour un père voiturier de transmettre son savoir-faire à ses fils et de s’associer avec des gendres eux-mêmes issus de familles de voituriers.

Pour certains laboureurs, le métier de voiturier était un complément de revenus ou une promotion sociale. C’est sans doute le cas pour Silvain TABUTEAU, cultivateur et fils d’un cultivateur Louis TABUTEAU, qui devient voiturier en épousant en 1815 Marie MARTIN l’arrière-arrière-petite-fille de Mathurin et sœur de Louis MARTIN.

Sur les quatre générations précédant Marie et Louis MARTIN, nous avons identifié 31 voituriers dont 17 descendants par les garçons MARTIN ; les 14 autres sont les époux des filles MARTIN. Sachant que la plupart des conjoints sont également des descendants de voituriers ou de quelques charbonniers, ce premier inventaire donne une idée de la communauté constituée autour de la forge de Verrières et de Goberté dans un premier temps puis autour de la forge de Luchapt avant de s’éloigner vers les forges de l’Indre ou des Deux-Sèvres.

A partir de la cinquième génération, on devine la diminution de l’activité des forges, car les individus vont se stabiliser et se marier avec des cultivateurs pour revenir vers une activité agricole. Ce sera le cas des enfants du Louis MARTIN qui finira ses jours à Queaux.

Notre quête autour des ancêtres voituriers est loin d’être finie et difficile à mener étant donné les routes qu’ils ont empruntées parfois pour une même génération. Mais la généalogie est un long fleuve tranquille et il faut savoir être patients et persévérants.

Lignée des ancêtres MARTIN voituriers


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