Karrofum est l’une des nombreuses appellations anciennes donnée à la commune de Charroux, notamment en 789, dans un diplôme de Charlemagne (selon Bouquet, tome V p. 762). Cette ville doit son origine à une célèbre abbaye de l’ordre de Saint-Benoît, fondée en 785 par Charlemagne et Roger, comte de Limoges (Dictionnaire topographique de la Vienne, par Louis Rédet, p. 96).
C’est en recherchant l’ascendance de ma branche DESMIER ou DEXMIER, orthographiée différemment en fonction des rédacteurs du XVIIe siècle, que j’ai fait une étonnante découverte.
Pierre DESMIER (°1704 †1780) était un laboureur installé à Saint-Saviol, dans le sud de ce que l’on ne nommait pas encore le département de la Vienne. Il épouse Jeanne Michelle PISSARD en 1726 à Civray. Ils ont au moins douze enfants, dont trois meurent dans les semaines ou mois qui suivent leurs naissances. Le dit Pierre était le petit-fils de Jean DESMIER (°1635 †1710) marchand sergier, lui-même fils d’autre Jean DEXMIER (°1609 †1669), sergent royal de la sénéchaussée de Civray et notaire de la terre de Boisseguain, lui-même descendant des DESMIER seigneurs de Nutin (paroisse de Surin) et du Roc (paroisse de Saint-Gaudent) et précédemment descendants des CHAUSSEROYE (de) seigneurs d’Airvault. Après la remontée de plusieurs générations j’atteins la famille MAINGOT, puis les vicomtes de Thouars descendants en partie de l’illustre famille des LUSIGNAN, ainsi que de Hugues CAPET (Source site Internet Capédia).
L’une des branches me mène à un personnage central de ma généalogie de la fin du Xe siècle, mais dont je ne descends pas étonnamment. Il s’agit de Aumode de GÉVAUDAN (†1005), fille du comte de GÉVAUDAN et d’Azalais dite Adélaïde d’ANJOU (épouse en secondes noces de Louis V fils du roi Lothaire et en troisièmes noces du comte de Provence).
Pourquoi Aumode m’a-t-elle passionné me direz-vous ?
Tout simplement parce qu’elle était une femme intelligente, ambitieuse et quelque peu extralucide. Par ses visions, elle a participé à l’histoire des comtes du Poitou, dans laquelle je retrouve une bonne partie des mes ancêtres poitevins, en plein milieu du Moyen Âge.
Je vais donc vous conter l’histoire du songe étrange de la comtesse Aumode à Charroux, d’après Ademar, chroniqueur de l’époque, joliment reprise mais avec de minimes lacunes dans le livre de Jacques PINEAU(1) et reprise par moi-même à la vue des éléments de recherches de Michel DILLANGE, membre correspondant des Antiquaires de France et de nombreuses sociétés savantes.
L’histoire d’un songe
« Audebert comte de la Marche, était un homme rude et batailleur. Au roi Hugues Capet (°939 †996), qui lui reprochait ses turbulences en lui lançant : « Qui t’a fait comte ? », il répondit insolemment : « Qui t’a fait roi ? » (2)
Or en 992, il se trouvait un jour chez son frère Boson dit le Jeune, au château de Rochemaux (rupes Madeldis) à Charroux. Son épouse Aumode, fille du comte de Gévaudan, l’avait accompagné. C’était une femme étrange, qui avait des « dons », notamment celui de voyance. Elle était jeune et belle (« Lasciniam juventutis », nous dit le chroniqueur). Or, un matin à son réveil, elle dit à son mari : « J’ai fait un beau rêve, j’ai rêvé que j’étais comtesse du Poitou. Comme mes rêves se réalisent toujours, tu vas rassembler ton armée, ton frère Boson la sienne, vous allez marcher sur Poitiers, et tu prendras la place de Guillaume(3) , le comte du Poitou. »
Pareil discours ne pouvait que plaire à Audebert. Les deux frères rassemblèrent leurs armées, et se mirent en marche vers Poitiers. Cette ville était couverte au sud par la forteresse de Gençay qui, à l’époque, consistait en une grande tour entourée de palissades et d’un fossé. C’était la tour de Moncabré, construite lors des invasions Normandes. Audebert fit couper un grand arbre et le fit monter sur roues. Poussé vigoureusement par ses soldats, il enfonça la palissade et l’arbre servit de pont pour franchir le fossé. La forteresse fut bientôt prise.
Mais, pendant ce temps, Guillaume avait fait appel à son cousin le roi Robert (4) . Celui-ci lui envoya ses troupes, l’affront fait par Audebert n’ayant pas été oublié.
La rencontre eu lieu près de Gençay, Boson et son frère furent mis en déroute. Audebert fut tué par une flèche et la forteresse de Rochemaux à Charroux prise. Le comte du Poitou, Guillaume, était jeune et célibataire. Or, la comtesse Aumode, devenue veuve, était une femme qui s’y connaissait en enchantements et sortilèges. Elle sut vite plaire à Guillaume qui l’épousa. Ainsi son rêve fut réalisé. »
Cette union permet à Guillaume de diriger l’un des plus vastes territoires qu’a couvert le duché aquitain dans l’histoire, tout en préservant la paix, avec ses rivaux d’Anjou et de Bourges.
Je descends à la fois de la première union de Audebert Ier, par son fils Bernard Ier (992+1047) et du troisième mariage de Guillaume dit le Grand, duc d’Aquitaine avec Agnès de BOURGOGNE, dont Guy-Geoffroy dit Guillaume VIII (1023+1086), 13e duc d’Aquitaine (voir la synthèse de mes ascendances indiquées en gras).
Il y a une bonne quinzaine d’années, alors que je débutais ma généalogie, je m’étais intéressé à l’histoire ancienne du Poitou et m’étais plongé dans la lecture de l’ouvrage de Michel DILLANGE, « Les comtes de Poitou, ducs d’Aquitaine (778 – 1204) ». J’étais loin de penser qu’il s’agissait de l’histoire d’une partie de mes ancêtres.
Notes :
(1) source : « Charroux et sa région », page 75
(2) Hugues a été élu roi par l’assemblée des seigneurs
(3) Guillaume dit le Grand (°939 †1030) petit-fils de « Tête d’Etoupe »
(4) Robert II dit « le Pieux » (°972†1031)
Sources :
Ci-dessous cartographie des lieux cités au cours de ce Challenge AZ.
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