#ChallengeAZ │ T… De Thuré en Mauritanie, hommage à un combattant vétérinaire

Léon Olivier AMIET, vétérinaire, né à Thuré, combattant en Mauritanie

Léon Olivier AMIET © photo Cl. BOURREAU

En allant au cimetière de Thuré, sur les tombes de nos ancêtres, je suis intriguée par un monument funéraire qui se trouve à l’entrée près de la grande porte à double battant. Ce monument indique le nom du lieutenant O. AMIET, son lieu et sa date de décès et donc j’ai décidé de faire des recherches sur cette personne.

Sa naissance

Léon Olivier AMIET est né le 11 avril 1882 à Thuré. Il est le fils de Jules, âgé de 26 ans et de Marie JOLLY, âgée de 28 ans, tous deux mariés à Thuré le 6 mai 1878. Ses grands-parents du côté paternel sont François AMIET et Jeanne BRUNEAU et du côté maternel Jean JOLLY et Marie BARBOTTIN. Il a eu quatre frères : Firmin Jules François, Norbert (décédé quelques jours après sa naissance), Emile Romain et Jules.

Acte de naissance de Léon Olivier AMIET à Thuré, Vienne, vétérinaire, généalogie

Acte de naissance de Léon Olivier AMIET – Registres de Thuré NPMD 1878-1882 vue 142 © Archives départementales de la Vienne ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

Son parcours d’étudiant

Léon Olivier fréquente l’école primaire de Thuré puis fait ses études à Châtellerault. En 1901, il entre à l’école vétérinaire d’Alfort et en sort diplômé en juillet 1905 (il est 48e sur 63 et le seul de la Vienne cette année-là).

Son parcours militaire

Après une année passée comme aide vétérinaire stagiaire à l’école d’application de cavalerie de Saumur, il est affecté au 25e dragon le 29 juillet 1906 avec le grade d’aide vétérinaire. En octobre 1906, il passe au 5e chasseur à Neufchâteau.

Il est un des premiers adhérents de l’association amicale des vétérinaires militaires. Il devient vétérinaire militaire par décision du 26 février 1908 au 5e régiment de chasseur. Placé hors cadre, il doit attendre les instructions du ministre des colonies et est mis à la disposition du gouverneur de l’Afrique Occidentale qui lui confie par la suite « la mission de contribuer à l’organisation des compagnies de méharistes qui devaient opérer sur les confins de l’Adrar (Mauritanie) et d’étudier les diverses maladies qui sévissaient sur les chameaux de cette région ». (La semaine vétérinaire du 27 mai 1911)

Le 10 juin 1908, son chef part à la recherche d’un puits. Pendant ce temps, AMIET resté à Talmest conserve le détachement avec 60 hommes, 1 mitrailleuse, 80 chameaux et les objets de campement.

Le 14 juin 1908, il se heurte à une forte bande de guerriers fanatiques armés de fusils à tir rapide qui vient d’exterminer la colonne du capitaine MANGIN. Il organise la défense, sa mitraillette refuse de fonctionner, les chameaux sèment le désordre dans le camp. Il résiste jusqu’à une heure du matin et une charge de baïonnette déroute complètement l’ennemi. Le détachement perd 12 personnes et on dénombre 11 blessés pendant cette attaque. Le 20 juin, Léon Olivier adresse un rapport relatant les péripéties du combat. Pendant les combats, deux balles ont traversé son casque.

Après ce brillant fait d’armes, apprécié par ses camarades comme un des plus beaux sous le drapeau français en Afrique Occidentale, il est proposé à vingt six ans à la légion d’honneur. Le 1er septembre 1908, il est nommé vétérinaire en second.

Son décès

Le 15 décembre 1908, il meurt à Moudjera (ville au centre de la Mauritanie située dans la région du Tagant) des fièvres paludéennes non loin du champ de bataille de Talmest, sans avoir eu le temps d’être décoré.

M. Ansbert LAQUERRIERE (1837-1915), ancien vétérinaire militaire, rend un hommage ému à Olivier AMIET,  « jeune vétérinaire en 2e, pour sa belle conduite en Mauritanie au combat de Talmest qu’il a dirigé quand les chefs ont été tués. Il ramena les débris de la colonne. Il a succombé aux suites d’anémie et de paludisme quelques temps après ce glorieux fait d’armes. C’est un nom de plus à inscrire dans le livre d’or des vétérinaires militaires que j’ai créé à Saumur. » (Le bulletin de la Société des sciences vétérinaires de Lyon du 27 mars 1909)

En août 1909, M. le vétérinaire principal Eugène AUREGGIO (1844-1924) adresse aux députés de la Vienne une supplique en vue d’obtenir la restitution à la famille de la dépouille mortelle. Le gouvernement de l’Afrique Occidentale écrit à la famille dans les termes suivants : « J’ai l’honneur de vous faire connaître qu’en raison de la belle conduite de votre regretté fils au combat de Talmest et des fatigues qu’il s’est imposé en Mauritanie, j’ai décidé que l’administration de l’Afrique occidentale prendra à sa charge les frais d’exhumation et de transfert des restes mortels à Thuré (Vienne) ». (La revue vétérinaire 1910)

Le 15 décembre 1909, l’acte de décès est retranscrit dans les registres de l’état-civil de Thuré.

Transcription partielle de l’acte de décès de Léon AMIET faite sur les registres de Thuré le 25 octobre 1909 (NPMD 1908-1909 vue 72) © Archives départementales de la Vienne ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

En décembre 1910, une circulaire autorise les militaires à participer à la souscription ouverte en vue de l’érection d’un monument au vétérinaire AMIET.

Le 25 avril 1911, les cendres arrivent à Châtellerault et le 26 avril il est inhumé dans le cimetière de Thuré. Sur le char funèbre décoré de faisceaux de drapeaux étaient fixées de splendides couronnes en fleurs naturelles et artificielles. Les cordons du poële (drap funéraire) étaient tenus par M. ESCLAUZE, vétérinaire en 1er du 25e dragons, par M. MOREAU de Sossais, par un lieutenant des services administratifs du génie et par un condisciple du défunt.

Au cimetière, cinq discours furent prononcés par :

  • Le Maire de Thuré,
  • M. ESCLAUZE, vétérinaire de l’armée et représentant de l’association amicale des vétérinaires militaires,
  • M. BOLTZ, vétérinaire au nom de la Société des vétérinaires de la Vienne,
  • M. le Président de l’association des anciens élèves du collège de Châtellerault,
  • M. le Principal du collège de Châtellerault.

Les journaux nationaux comme « Gil Blas », « L’Univers », « La Croix » informent leurs lecteurs du décès d’Olivier AMIET.

Nécrologie dans le périodique « L’Univers » du 04 janvier 1909

Thuré rend hommage à Olivier AMIET

Monument hommage à Léon Olivier AMIET, cimetière de Thuré © photo Cl. BOURREAU ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

Un monument est inauguré le 7 juillet 1912 à Thuré.

Le ministre de la Guerre est représenté par le lieutenant colonel JANIN du 32e régiment d’infanterie. Celui-ci est accompagné d’une délégation d’officiers de la garnison de Châtellerault. Des discours sont prononcés par M. CHAMPIGNY, maire de Thuré, le lieutenant-colonel JANIN, le vétérinaire départemental BOTZ, le président de l’Amicale des anciens élèves du collège de Châtellerault. La fanfare de Thuré joue « La Marseillaise » et de nombreuses couronnes sont déposées au pied du monument.  M. le commandant CHAMPIOT, président du souvenir français dépose au nom du siège social de Paris, une couronne au pied du monument. Une palme est déposée au nom de ses camarades sur sa tombe par M. DUVAU.

Je rends hommage à ce combattant vétérinaire en Mauritanie.

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#ChallengeAZ │ S… Saint-Jean-de-Sauves, un Clémentois en Martinique

 

Séraphin CONTREAU et son épouse Marie au mariage de leur petite fille © photo coll. privée ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

 

Séraphin CONTREAU, dit « le père la Martinique »

Je suis né le 28 janvier 1837, « sur les une heure du matin » dans la maison de la grand’cour à Saint-Jean-de-Sauves, je suis le 3e enfant de Pierre et de Marie PELLEVRAU. C’est l’adjoint VALLET, officier de l’état civil ce jour qui enregistra ma déclaration de naissance devant deux témoins, René AUCHER, maréchal, 39 ans et Bernard ROCHE, 27 ans marchant, et ils demeurent tous les deux à Sauves, seul mon père sait signer, et VALLET l’adjoint signe son 5e acte de l’année 1837.

Signature de mon père – Registre des naissances 1833-1842 vue 45 © Archives départementales de la Vienne

J’apprends à lire et à écrire à l’école communale, je vais avec mes parents à l’église. À 20 ans, au conseil de révision à Moncontour, je suis « bon pour le service », je tire au sort le numéro 2, je suis de la première portion du contingent, je vais partir pour 5 ans.

Je suis  incorporé le 10 novembre 1858 au 1er régiment de marine, place de Cherbourg où je suis l’instruction militaire et m’exerce à l’escrime. J’embarque à Cherbourg le 26 août 1859 sur le bateau à vapeur « le Souffleur » puis transbordé à Lorient le 29 sur la régate « Le Cers », pour débarquer à Fort de France en Martinique à plus de six milles kilomètres de la métropole. Le bateau transporte des militaires et des bagnards.

Le 13 février 1863 j’embarque sur le bateau « l’Entrepreneur » pour arriver à Cherbourg le 22 mars. Le 1er janvier 1878, je reçois mon congé définitif, signé du commandant du bureau de recrutement de Châtellerault.

Je me marie le 9 janvier 1866 à Saint-Jean-de-Sauves avec Marie MERCIER, fille de Pierre et de Jeanne GIVELET.

Avec ma femme, je cultive mes terres et élève quelques chèvres, puis j’exerce le métier de garde champêtre et je suis également sacristain comme mon père. Nous avons deux enfants, Séraphin né le 17/12/1866 et Alcide le 20/11/1870.

Je suis bien connu pour mon caractère, un jour j’ai même verbalisé ma femme car ses (mes) chèvres étaient dans le dommage !

Saint-Jean-de-Sauves, rue de l'église

Le 8 mai 1902, la montagne Pelé, à la Martinique, entre en éruption, en quelques minutes la ville de Saint Pierre a été entièrement détruite tout ce qui était alors la plus grande ville de l’île. Quand je lis l’événement dans le journal je suis effondré, la ville de Saint Pierre, la perle des Caraïbes, que j’ai bien connue, est recouverte de la lave du volcan.

Journal de la Vienne, mais 1902, AD86

Extrait du Journal de la Vienne du lundi 12 mai 1902 © Archives départementales de la Vienne ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

Mon arrière-arrière-petite-fille a entendu parler de moi sous le surnom « le Père La Martinique » et cherche à savoir ce que j’ai fait là-bas.

Est-il possible de trouver dans les archives militaires de la Martinique ou en métropole le parcours de cet ancêtre ?

Mariage d’Hubert BOUTHET et Chérie CONTREAU, petite fille de Séraphin © photo collection privée ▲ clic sur l’image pour l’agrandir


Le PLUS à consulter :

  • Archives départementales de la Vienne : sous-série 9 R – tirage au sort, recensement, registres matricules de l’an IX à 1940.
  • L’organisation de la conscription en France détaillée sur le site « le parcours du combattant de la guerre 14-18 », pour « retracer le parcours d’une recrue » vous trouverez des données sur « les lois du recrutement » et le déroulé d’un « conseil de révision ».

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#ChallengeAZ │ R… Rouillé, sauvetage d’un cimetière protestant

Cimetière de Boisgrollier à Rouillé © Sandrine POURRAGEAU

Des cimetières, il y en a partout à Boisgrollier depuis le 18ème siècle, conséquence de l’interdiction d’inhumation dans les cimetières catholiques, du Roi Louis XIV, dans sa lutte contre les protestants pour faire disparaître cette religion. Pour ce faire, il révoqua l’Edit de Nantes en signant l’Edit de Fontainebleau, le 22 octobre 1685. Le protestantisme devenait dès lors, interdit sur le territoire français.

Pendant cette période difficile, les protestants « opiniâtres » étaient enterrés clandestinement dans un coin de jardin, de pré ou de vigne et rien ne signalait leur tombe. Mais à partir de 1736, l’inhumation fut autorisée, à condition « qu’elle se fasse de nuit et sans scandale !  » Ainsi, les protestants n’ont plus eu à dissimuler les lieux de sépultures de leurs défunts et les cimetières de famille se multiplièrent.

A Boisgrollier, village situé sur la commune de Rouillé, à la limite de la Vienne et des Deux-Sèvres, les cimetières familiaux protestants font partie du paysage. Dans ce village d’environ 10 maisons, il n’y a pas moins de 8 cimetières, dont un très grand de plus de 56 tombes (celui-ci ayant fait l’objet d’un « relooking » grâce à la joyeuse et courageuse équipe du Cercle Généalogique Poitevin ). On peut dire, que dans ce coin reculé du Poitou, la mort fait partie de la vie. Certains pourraient en être effrayés surtout à notre époque où on a plutôt tendance à l’ignorer voire même la mépriser.

La « grande faucheuse » selon l’expression populaire, est omniprésente à Boisgrollier, mais faut-il s’en offusquer ? Le rapport à la mort m’est plutôt familier. Est-ce le fait d’avoir depuis toujours, dans ma famille maternelle et paternelle, côtoyé cet environnement très caractéristique qu’est celui des cimetières familiaux protestants ?

Fête des morts au Mexique © Pholo Claude ALLARD

Lors de mon voyage au Mexique, j’ai découvert des pratiques très inhabituelles. Les Mexicains ont un rapport à la mort qui interpelle. C’est pour eux un fait culturel qui remonte aux civilisations précolombiennes. Les rituels de sacrifices humains nous paraissent monstrueux : c’était leur façon d’adorer les dieux. Chaque année, à la Toussaint, le 2 novembre, c’est jour de fête pendant lequel règne la joie. On partage ce moment avec le mort au cimetière, en mangeant et buvant sur la tombe ouverte (si la personne est décédée depuis plus d’un an) et le tout en musique !

La fête des morts dans nos contrées est bien moins festive, mais en pays protestant, on la côtoie au quotidien, puisqu’elle se situe dans notre champ de vision. On vit avec la mort. Consciente que peu de personnes connaissent cette particularité du paysage protestant poitevin, j’ai eu l’occasion d’emmener un groupe d’amis visiter mon petit village de Boisgrollier. A la découverte des cimetières plus ou moins bien entretenus, et notamment un cimetière de 50 tombes, leur réaction a été unanime : « Il faut faire quelque chose ! on ne peut pas le laisser à l’abandon, par respect pour les personnes enterrées dans ce lieu ». Lieu très sinistre, lorsque l’on voit son état. 

Afin de clore ce propos qui peut paraître dérangeant pour certains et pour rassurer ceux que la mort rebute, voici une citation humoristique  de Samuel Langhorne Clemens, dit Mark Twain, (Tom Sawyer) écrivain essayiste et humoriste américain : « Parmi les dépenses inutiles : les murs des cimetières….ceux qui sont dedans ne peuvent pas en sortir et ceux qui sont à l’extérieur, ne veulent pas y entrer »

Sauvegarde du patrimoine

Dans le numéro 140 de la revue Herage, j’ai raconté comment cinq membres du Cercle Généalogique Poitevin ont remis en lumière le cimetière des 50 tombes de protestants inhumés à Boisgrollier.

Récapitulatif des tombes de Boisgrollier
(clic sur les images pour agrandir)

 

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#ChallengeAZ │ Q… Queaux, sur la route des voituriers

Queaux, vue générale

Queaux, prononcez « kio » avec l’accent local, est une petite bourgade du sud-est de la Vienne qui fait partie de l’arrondissement de Montmorillon et située aux confins de la Marche et du Poitou. Le bourg est construit au bord de la vallée de la Vienne sur le flanc d’une colline.

C’est à Queaux, en 1858, que Louis MARTIN, 48 ans veuf de Marie IMBERT, va épouser Jeanne BONNEAU et qu’il va s’y installer définitivement puisque c’est là qu’il finira sa vie. Il est l’un des 13 enfants identifiés de Louis et Jeanne FERRAND. En 1858, les parents étaient décédés à Persac 11 ans auparavant pour le père et 5 ans pour la mère. Louis est né à Persac, bourgade située en face de Queaux sur l’autre rive de la Vienne. La traversée entre Persac et Queaux s’effectuait par l’intermédiaire d’un bac et il est certain qu’aussi bien Louis que sa famille a très souvent emprunté ce bac dans le cadre de sa profession. Louis est voiturier et il est issu d’une longue lignée de voituriers qui ont arpenté les routes de la Vienne et des départements limitrophes.

Nous avons été très intrigués la première fois que nous avons rencontré ce métier dans notre généalogie. Naïvement et sans doute par manque de connaissance des particularités économiques de la contrée, nous avons imaginé que ces voituriers étaient des précurseurs de nos autocars modernes. Cette imagination, qui nous apparaît farfelue aujourd’hui, était alimentée par les images des diligences qui fleurissent dans les pages des bandes dessinées que nous aimons parcourir. C’est en lisant avec beaucoup d’intérêt le livre « Le peuple de la forêt » d’Emmanuel DION et Sébastien JAHAN que nous avons compris notre bévue et découvert par la même occasion une communauté avec ses codes de vie spécifiques.

Ce Louis MARTIN et ses ancêtres étaient donc des voituriers de charbon ou des voituriers de fer, fortement liés à l’activité des forges, en l’occurrence la forge dite de Verrières à Lhommaizé et celle de Goberté à Gouex. Mais très vite, nos ancêtres voituriers vont nous emmener vers la forge de Luchapt dans la Vienne, celle de l’Abloux à Saint-Gilles dans l’Indre et très récemment à La Peyratte dans les Deux-Sèvres.

Situation géographique des forges fréquentées par nos ancêtres MARTIN voituriers © Géoportail

Le voiturier fait partie des métiers qui gravitent autour des forges comme les charbonniers. Dans la famille des MARTIN, les enfants sont voituriers de père en fils et les filles épousent des voituriers ou des charbonniers !

Dans le bulletin de la Société des Antiquaires de l’Ouest du 3e trimestre 1976, nous avons un descriptif très précis sur les différents métiers qui gravitent autour de la forge de Verrières à Lhommaizé. Cette forge située au sud-est de Poitiers a fonctionné de 1595 à 1886. Elle était la propriété des ducs de MORTEMART avant d’échouer à la famille de BEAUCHAMP, maîtres de forges de père en fils. Les bois environnants appartenant également aux ducs de MORTEMART, cela facilitait l’exploitation et la gestion forestière et permettait ainsi une alimentation autonome et régulière de la forge. 

Notes sur les forges du Poitou – extrait des Affiches du Poitou 08/09/1774 © Gallica BnF

Dans la chaîne de fabrication d’une forge, le voiturier intervient pour transporter les sacs de charbon, une fois le bois converti en charbon, pour le mener à la forge. D’où des liens très étroits entre les voituriers et les charbonniers.

Le chariot à charbon. Estampe de Théodore GERICAULT (1791-1824) © Grand Palais (musée d’Orsay)

Voici la description qui est faite par les Antiquaires de l’Ouest du métier de voiturier :

« Il faut transporter environ 15000 sacs chaque année, ce qui représente 750 tonnes à une distance moyenne de 5 à 15km mais parfois jusqu’à 40km. Si dans des provinces éloignées on recommande le transport par voitures tirées par des chevaux, ici en Poitou on utilise essentiellement des mulets. […] Des voituriers disposant chacun de 30 à 40 mulets menés par des valets à gages, s’engageaient à s’assurer les transports de n’importe quel matériel moyennant un prix forfaitaire, dépendant de la distance. […] Au départ, chaque voiturier doit recevoir du commis aux bois un billet indiquant le jour du départ, la quantité des mulets chargés, le nombre de sacs de « grands charbons » et de « menus charbons ». Et ce commis en tiendra le double sur son registre. A l’autre bout de la chaîne, le commis aux forges doit vérifier le billet de chaque voiturier ainsi que l’état des sacs. […] L’on peut imaginer dans ce paisible Poitou, des files de 30 à 40 mulets dirigés par un voiturier et 6 à 8 valets transporter d’un seul coup 1,5t à 2t de charbon de bois. Comme la consommation devait être très approximativement de 2t, c’est une quarantaine de mulets qui devaient venir chaque jour apporter leur chargement à la Forge. »

Extrait du Bulletin de la Société des Antiquaires de l’Ouest 3e trim 1976 – © Gallica BnF

Nous n’avons pas encore trouvé d’où est originaire le patriarche Mathurin MARTIN, époux de Renée ESLOY. Nous savons juste qu’il est décédé à Bouresse en 1710. Ses enfants sont nés à Verrières, puis Lussac-les-Châteaux et enfin à Saint-Secondin. Sur 7 enfants identifiés, 4 garçons sont voituriers. Si le patriarche semble être resté près de la forge de Verrières début 1700, on constate une mobilité rapide de ses enfants et petits enfants. Deux enfants de Mathurin vont finir leur vie à Saint-Gilles dans l’Indre près de la forge de l’Abloux en étant passé auparavant par la forge de Luchapt soit près de 90 km entre les 2 lieux.

Au XVIIIe siècle, les forges fonctionnaient à plein régime et on comprend aisément qu’elles avaient besoin d’une importante main-d’œuvre pour les alimenter en permanence. Il était donc plus aisé pour un père voiturier de transmettre son savoir-faire à ses fils et de s’associer avec des gendres eux-mêmes issus de familles de voituriers.

Pour certains laboureurs, le métier de voiturier était un complément de revenus ou une promotion sociale. C’est sans doute le cas pour Silvain TABUTEAU, cultivateur et fils d’un cultivateur Louis TABUTEAU, qui devient voiturier en épousant en 1815 Marie MARTIN l’arrière-arrière-petite-fille de Mathurin et sœur de Louis MARTIN.

Sur les quatre générations précédant Marie et Louis MARTIN, nous avons identifié 31 voituriers dont 17 descendants par les garçons MARTIN ; les 14 autres sont les époux des filles MARTIN. Sachant que la plupart des conjoints sont également des descendants de voituriers ou de quelques charbonniers, ce premier inventaire donne une idée de la communauté constituée autour de la forge de Verrières et de Goberté dans un premier temps puis autour de la forge de Luchapt avant de s’éloigner vers les forges de l’Indre ou des Deux-Sèvres.

A partir de la cinquième génération, on devine la diminution de l’activité des forges, car les individus vont se stabiliser et se marier avec des cultivateurs pour revenir vers une activité agricole. Ce sera le cas des enfants du Louis MARTIN qui finira ses jours à Queaux.

Notre quête autour des ancêtres voituriers est loin d’être finie et difficile à mener étant donné les routes qu’ils ont empruntées parfois pour une même génération. Mais la généalogie est un long fleuve tranquille et il faut savoir être patients et persévérants.

Lignée des ancêtres MARTIN voituriers


Le PLUS à consulter

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#ChallengeAZ │ P… Poitiers, le prix du sacrilège à Saint-Cybard

Détail du « Siège de Poitiers par Coligny en 1569 » peint par François Nautré, 1619 © Musée Sainte-Croix, Poitiers ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

La lecture des registres de la paroisse de Sainte-Radegonde de Poitiers apporte des informations parfois curieuses. En effet, le prêtre consigne des événements marquants pour lesquels il signale en marge une mention « ad memoriam » ou « chose remarquable ». Ainsi par exemple, il note en mai 1715 :

© Registres paroissiaux Archives départementales de la Vienne ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

« hier au soir a huit heures on brula vif au pilory de cette ville le nommé jean boucet natif de la ville maunommée près neuville pour avoir volé la nuit les vases sacrés dans l’église de St Cybard de cette ville, les calices, le St ciboire et la custode ou étaient les hosties qu’il renversa sur l’autel ; il en a fait amende honorable et a eu le poingt coupé devant cette église. » (page 30/92 registre numérisé des Archives départementales de la Vienne)

Un crime de sacrilège

Grâce aux conseils avisés du service des Archives départementales de la Vienne, il a été possible de consulter le dossier d’instruction ouvert par le présidial de Poitiers (cote 1 B 2/21-bis) et un monitoire promulgué par l’official du diocèse de Poitiers (cote 1 J 1101) concernant cette affaire. On en tire quelques informations complémentaires sur Jean BOUSSET.

Présidial Poitiers, Monitoire, AD86

Monitoire promulgué en novembre 1714 par l’official du diocèse de Poitiers, Archives départementales de la Vienne ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

Le vol a été commis dans la nuit du 16 au 17 novembre 1714.
Sur la base de plusieurs témoignages un avis de recherche a été lancé avec le descriptif suivant : « de moyenne taille, le visage un peu long rouge vermeille gaté un peu de petite vérole le nez long et étroit assez beau visage ayant un chapeau à grand debord bordé d’or, une perruque courte tirant sur le blond nouée par les deux cotés, un habit de pinchina couleur de canelle, une veste et une culotte de chamois bordés d’un petit galon d’argent, une épée ou petit sabre à son cotté dont la poignée de façon d’agathe ou une petitte pomme de cuivre jaune, chaussé de guêtre detoille barrée. »

L’individu a été retrouvé. Il s’agit de Jean BOUSSET a dit être natif de Chabournay, marchand âgé d’environ 34 ans, fils de Vincent DOUSSET laboureur, demeurant à Arbois (Harbois) en Comté (Franche Comté). A noter qu’il sait écrire.

Il a une sœur Renée mariée avec un « tixeran » de la paroisse de Saint-Laurent-de- Jourdes (on trouve effectivement sur le site Internet Herage du CGP le mariage de  Renée BOUSSET avec François BOSIER le 3 février 1700 à Saint-Laurent-de- Jourdes), un beau-frère André LAURENSIN marchand blastier (on trouve effectivement sur Herage un André LAURENCIN marié à Vendeuvre-du-Poitou le 5 février 1690 avec Gabrielle BOUSSER fille de Vincent et de Gabrielle MANYE dont l’orthographe est plutôt DEMANGE) et une autre sœur mariée avec Laurent DEPOUDREL.

On trouve aussi sur Geneanet des données sur l’ascendance et la descendance de Renée BOUSSET précitée.

Une exécution rapide

Le dossier consulté aux Archives départementales n’est pas exhaustif, et on peut s’interroger sur la rapidité de l’exécution d’une sentence de condamnation à mort jugée par la chambre criminelle le 11 mai 1715, sans trace d’un appel au parlement de Paris ou de sa confirmation. Mais il est fait allusion dans l’un des documents, de « jugement  présidiale en dernier ressort (le nom de Dieu le premier apelé) », « attendu qu’il s’agit d’un sacrilège fait avec effraction ».

Jean BOUSSET a nié les faits, prétendant se trouver en Suisse à cette époque là, et il est difficile de connaître précisément les preuves de sa culpabilité à travers les pièces disponibles. On peut néanmoins penser que les paramètres suivants ont dû y contribuer, à savoir :

  • la description détaillée ayant probablement permis de l’arrêter,
  • les multiples témoignages évoquant sa présence à Poitiers notamment le soir près de l’église,
  • le fait d’avoir fait faire par un taillandier un outil correspondant aux traces de l’effraction (l’expertise scientifique ne date pas d’aujourd’hui),
  • la possession d’un petit crucifix de vermeil (fragment d’objet volé selon expertise d’un maître orfèvre),
  • la fréquentation de l’auberge du plat d’étain où il a laissé des affaires et d’un cabaret de Poitiers avec le témoignage de discussions,
  • la présence sur le site de Mirebeau d’un almanach déchiré de 1713 imprimé à Besançon (présent dans la liasse des AD86) après un vol effectué le 27 juin 1713.

A noter que le 29 avril 1715, il a fait une tentative de suicide par pendaison dans le cachot où il était retenu prisonnier.

Pour crime de vol de vases sacrés et profanation du Saint Sacrement, le 10 mai 1715 il a été requis contre lui « de faire amende honorable nud en chemise, la corde au col, tenant entre ses mains une torche de cire ardente de poids de deux livres devant la grande porte principale entrée de l’Eglise St Cibard où il sera mené par l’exécuteur de la haute justice ayant deux écriteaux devant et derrière avec ce mot Sacrilège, et estant nud teste et à genoux déclarera que méchament il a vollé la dite Eglise, dont il demande pardon à Dieu, au Roy et a justice Ce fait aura le poing coupé sur un poteau qui sera planté devant la dite Eglise après quoi il sera mené par le dit Exécuteur de la haute Justice en la place publique du pilory de cette ville pour y être attaché a un potteau avec une chaisne de fer sur un bucher et brullé vif, son corps réduit en cendres et ycelles jettées au vent, en cinquante Livres d’amende envers le Roy, et que premice de soufrir mort le dit Bousset soit apliqué a la question ordinaire et extraordinaire pour aussi révélation de ses complices et y estres interrogé sur les vols ds Eglises de Mirbeau, Vouzailles et Mauleon. »

La mention de son exécution dans le registre de la paroisse de Sainte-Radegonde figure après un acte du 12 mai 1715 et avant un acte du 16 mai, et du dossier précité on peut savoir qu’il était déjà mort avant le 14. On peut donc penser qu’il a été exécuté le jour même de la sentence.

On n’y allait pas de main morte à cette époque !


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