#ChallengeAZ │ J… La méthode Jacotot

A l’heure où l’on parle de l’Ecole de la confiance et où des méthodes atypiques (Montessori, Steiner, Waldorf) ont de plus en plus de succès, en voici une qui a fait parler d’elle en son temps : la méthode Jacotot. Point commun de toutes ces méthodes : la motivation de l’enfant, moteur de l’apprentissage.

Gravure de Joseph JACOTOT

Jean Joseph JACOTOT (1770 Dijon – 1840 Paris) est un pédagogue français, créateur de la méthode d’enseignement, dite « méthode Jacotot ». Il se propose  d’« émanciper les intelligences ». Il prétend en effet que tout homme, tout enfant, est en état de s’instruire seul et sans maître, qu’il suffit pour cela d’apprendre à fond une chose et d’y rapporter tout le reste ; que le rôle du maître doit se borner à diriger ou à soutenir l’attention de l’élève.

Il proclame que :
==> toutes les intelligences sont égales ;
==> qui veut peut ;
==> on peut enseigner ce qu’on ignore.

En 1818, exilé à l’université de Louvain (Belgique), il applique sa méthode avec succès, auprès d’étudiants flamands qui apprennent le français sans prendre aucune leçon.

Cette méthode est appliquée par Gatien CHOISNARD (1791 Cinq Mars la Pile – 1853 Châtellerault), principal du collège de Civray (de 1820 à 1832).

Le samedi 11 juillet 1829, une commission venue à Civray pour vérifier l’efficacité de la méthode expose que : « 25 élèves du premier âge entrés à l’école au mois de novembre, ont su lire au mois de mars ; plusieurs ont appris en deux mois et même en un mois. Les élèves examinés lisent très bien comme on le ferait par l’ancienne méthode au bout d’un an ou dix-huit mois. 7 enfants entre 8 et 14 ans sachant lire et écrire par la méthode Jacotot, ont récité par cœur quatre livres de Télémaque, ont fait l’analyse grammaticale des phrases et déduit eux-mêmes les règles qu’ils n’apprennent point dans les grammaires ».

En août 1831, le sous-préfet de Civray souhaite développer cette méthode auprès d’un plus large public. Il explique au Préfet que « M. Gatien CHOISNARD a élevé une école payante d’après la méthode Jacotot ; les résultats que ce maître obtient sont très satisfaisants, je m’en suis assuré par moi-même. Après un long entretien avec ce professeur sur les besoins qu’éprouvait la ville d’élever une école gratuite, il a fini par me dire qu’il s’en chargerait volontiers. »

En mai 1832, le sous-préfet confirme le succès de cette méthode. « MM les inspecteurs d’académie ont visité l’école salariée de M. CHOISNARD, ils ont été enchantés des résultats qu’il obtient et les éloges qu’ils lui ont donnés publiquement, l’ont déterminé à se mettre en position d’en mériter d’autres ».

Le 10 février 1834, le conseil municipal de Civray « décide, en fondant l’école communale, que 60 élèves y seraient reçus gratuitement ».

On ne sait pas quand ni pourquoi cette méthode a pris fin.

Sources : AD 86 – 2 O 92/16 ; Wikipédia

Pour en savoir plus :
Exposé sommaire de la méthode de M. Jacotot par Pierre Jacotot – 1829
Rapport sur la méthode d’enseignement mutuel de M. Jacotot par M. Legentil-Laurence – 1829
Le maître ignorant : cinq leçons sur l’émancipation intellectuelle par Jacques Rancière – 2009

#ChallengeAZ │ I… L’Institut Régional du Travail Social de Poitiers : lieu de mémoire

Maison de santé de Pont-Achard à Poitiers, aile ouest vers 1900, coll particulière © Inventaire Poitou-Charentes

Evolution architecturale

Aujourd’hui, centre de formation pour les carrières sociales, l’Institut Régional du Travail Social de Poitou-Charentes situé dans le quartier de Pont Achard à Poitiers, n’a pas toujours eu cette vocation. Depuis 1900 (photo ci-dessus), le bâtiment n’a pas beaucoup changé mis à part la construction d’un étage supplémentaire sur l’une des ailes.

L’histoire de ce lieu et de ces bâtiments est longue, puisqu’elle débute au début du 19ème siècle.  C’est l’architecte Zacharie GALLAND qui, associé à Louis Jacques GUIGNARD, un autre entrepreneur de travaux publics, va acquérir le site en 1804 qu’ils vont se partager en 1808. L’architecte va agrémenter sa propriété (champs cultivés, jardins à la française et à l’anglaise). Après 1817, il va construire un ensemble de bâtiments destinés à fonder un hospice pour recevoir les ouvriers pauvres de passage à Poitiers qui tomberaient malades pendant leur séjour. Il décède en 1821 alors que le projet n’a pas abouti. Sa veuve, Madeleine BRUNET, décide alors de faire don de la propriété à la congrégation des Filles de la Sagesse qui en prend possession le 23 décembre 1823.

Tombeaux de Zacharie GALLAND (décédé en 1821) et Madeleine BRUNET (décédée en 1843). A leurs côtés, se trouvent les 2 urnes funéraires de leurs enfants morts en bas âge : Jeanne (1784-1792) et François (1791-1801).
Ces tombeaux se trouvent maintenant dans le centre de documentation de l’IRTS.

L’institution de Pont-Achart est fondée et placée sous le vocable de saint Zacharie et sainte Magdeleine. Le site abritera une institution pour jeunes filles sourdes-muettes (1833 à 1847), une école dans un bâtiment annexe (1855 à 1902) et une maison de santé (à partir de 1898). Progressivement, les bâtiments sont agrandis par l’ajout de nouvelles ailes et va devenir une clinique chirurgicale (vers 1905). C’est d’ailleurs dans cette clinique que travaillait Paul FOUCAULT le père du célèbre philosophe et sociologue Michel FOUCAULT professeur au Collège de France, qui a suivi une brillante carrière, même si elle était contraire aux aspirations de son père, qui aurait souhaité qu’il soit chirurgien comme lui.

Dès 1963, l’orientation des bâtiments change : une école d’éducatrices spécialisées sera créée. Elle se transformera vers 1970 en Institut Régional du travail Social (IRTS) où toutes les formations en lien avec le travail social seront réunies. Aujourd’hui l’IRTS propose aux 3000 personnes inscrites des formations du secteur social et médico-social.

Lien avec mon histoire de vie

Après ce très rapide mais néanmoins nécessaire historique des lieux, il est important de préciser pourquoi j’ai souhaité relater cette histoire.

Tout d’abord, c’est dans cette clinique, que ma grand-mère paternelle, Ernestine BONNEAU est décédée des suites de son opération, le 23 décembre 1954, elle avait 56 ans. Je n’avais que 6 mois, je n’ai donc pas connu ma grand-mère, mais très longtemps, elle prendra une place importante dans ma vie, car cet événement a beaucoup marqué mon père. Est-ce le père du célèbre Michel FOUCAULT qui a opéré ma grand-mère ? Je ne le sais pas et est-il important de le savoir ?

40 années plus tard, en 1994, après 3 années d’études à l’IRTS, je passais mon diplôme d’état pour être assistante de service social, mais je ne savais pas à ce moment-là, que ma grand-mère était décédée dans ces lieux.

Puis, 10 années après, en 2004, je devenais formatrice, dans la filière assistants de service social. Je travaillais donc tous les jours dans des lieux qui étaient probablement proches de l’endroit où ma grand-mère était décédée.

Décidément, ces lieux, hormis d’être familiers, puisque je les ai fréquentés plusieurs années, sont très chargés émotionnellement compte tenu des événements qui s’y sont déroulés, en lien avec mon histoire de vie.

Pour en savoir plus :
voir le dossier de l’inventaire Poitou-Charentes « De la porte de Pont-Achard à l’IRTS » auquel a contribué le regretté Jean MAGNANT (1949-2013), un de mes collègues formateur. 

#ChallengeAZ │ H… Le hibou américain ?

Eglise de Pleumartin (86) , éditeur Dupin © coll. AD86 ▲ clic pour agrandir l’image

C’est au détour d’une recherche dans les registres paroissiaux en ligne des Archives départementales de la Vienne, que je suis tombée sur un acte qui a littéralement stoppé mon regard.

Il s’agit d’un acte de baptême en date du 18 novembre 1736, sur le registre paroissial de Pleumartin. Le baptisé est Philippe André, dit « fils de Pierre hibou américain » et de Louise BÉLANGEARD. Si je déchiffre bien, les parrain et marraine sont André PINOT et Magdelene GILBERTON. Je n’ai pas trouvé trace de Louise, la mère, mais seulement deux occurrences de « Bélangeard » sur Généanet, à Pleumartin également, et la même chose sur Filae…

Acte de baptême de Phillipe André, fils de Pierre hibou américain – Pleumartin – 18 novembre 1736 © AD86

J’ai tout imaginé pour expliquer ce « hibou américain » : un père facétieux qui veut jouer un tour au curé du village, une profession itinérante (forain, colporteur, etc.), un vin de messe un peu trop fort, une ouïe défaillante, tout était possible ! Mais plus sérieusement, je pensais aussi que ce Pierre pourrait fort bien avoir été ramené d’une expédition en Amérique par un explorateur ou un marchand. Faute de trouver d’autres documents, cette hypothèse me semblait difficile à confirmer.

Le mystère a pu être résolu grâce à plusieurs généalogistes qui m’ont donné un coup de main très apprécié.

En réalité, si le curé avait respecté les règles d’orthotypographie actuelles, il aurait écrit sur cet acte de baptême : « Pierre Hibou, Américain » et ça aurait fait sens, sans pour autant résoudre complètement l’affaire, car que pouvait bien faire un Américain en 1736 à Pleumartin ?

Pour commencer, la blogueuse « D’ors et d’arts » (voir site « Per mare, per terras ») a trouvé l’acte de décès du petit Philippe André, daté de juillet 1738 « âgé de deux ans environ », ainsi que l’acte de baptême d’un autre garçon, Laurent Pierre, né le 10 mai 1734, dont le père est nommé « Pierre hibeau américain ». Je n’ai rien trouvé d’autre sur ce second garçon.

Acte de baptême de Laurent Pierre, fils de Pierre hibeau américain – Pleumartin – 10 mai 1734 © AD86 ▲ clic pour agrandir l’image

J’ai trouvé l’acte de mariage des parents où on lit la signature de Pierre : « Pierre nègre américain » à côté de celles de membres de la famille du marquis de Pleumartin.

Acte de mariage de Pierre et de Louise Blanchard (le Deslandes est une erreur) – Pleumartin – 17 février 1733 © AD86

Pierre venait donc bien d’Amérique, il avait probablement été ramené par une expédition. Le fait que ce soit un Noir, peut-être un ancien esclave, rend sa présence dans la Vienne encore plus étonnante. Toutes les questions que je me posais sur cette présence, ce mariage, l’origine de son nom, les signatures sur l’acte de mariage, etc. ont trouvé leur réponse dans un passionnant article des Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest (ABPO) rédigé par Sébastien Jahan, maître de conférences en histoire moderne à l’université de Poitiers, et intitulé Les Noirs en Haut-Poitou au XVIIIe siècle, qui m’a été fourni par D’ors et d’arts. J’y ai appris, entre autres, que ces années-là, il y avait 3 Noirs répertoriés en Poitou, le Pierre qui nous intéresse, un dénommé Thomas Ismaël qui accompagnait un régiment irlandais et une jeune femme, Louise Thisbée, vraisemblablement ramenée de Saint-Domingue par un colon châtelleraudais revenu mourir sur ses terres natales. Il explique également que l’origine du nom retranscrit en « Hibou » ou « Hibault » pourrait venir du nom d’une ethnie ibo de l’ouest de l’actuel Nigeria. 

Je mets la référence de l’article en bas de page, ne vous privez pas de cette lecture !

Je n’ai pas réussi à trouver l’acte de décès de Pierre, certaines pages des registres de Pleumartin pour l’époque sont en très mauvais état. Louise, son épouse, est décédée en 1747. Elle est appelée Deslandes (comme dans l’acte de mariage où il est précisé que c’est une erreur), mais elle est dite « veuve de Pierre Hibault », donc on peut penser que c’est bien elle. A priori, ce couple n’a pas eu d’autre descendance que les deux fils mentionnés en début d’article, le premier mort en bas âge et le second qui n’a pas laissé de trace.

acte de décès de Louise Blanchard, veuve de Pierre Hibault – Pleumartin – 14 décembre 1747 © A86 ▲ clic pour agrandir l’image

Référence : https://abpo.revues.org/1768

#ChallengeAZ │ G… La grammaire d’Aimé SOUCHÉ

En choisissant d’évoquer l’enseignement pour ce challenge, cela nous donnait l’occasion de parler d’instituteurs, de méthodes d’enseignement ou d’anecdotes autour de l’école d’un village. L’instituteur est un personnage que l’on croise souvent dans nos recherches généalogiques. Il apparaît ainsi parfois comme témoin d’un événement familial ou comme conseiller municipal et rédacteur des actes. 

Dans la Vienne, si on ne compte pas d’instituteur dans sa base généalogique, il y a cependant des personnalités liées à l’enseignement que nous pouvons tous cités. Il y a bien sûr le recteur Léon Pineau dont de nombreuses rues dans la Vienne portent son nom. Il y a aussi André Rossignol qui a révolutionné l’enseignement en créant les fameux tableaux pédagogiques à partir de 1946. De nombreux instituteurs ont fait disserter leurs élèves sur ces panneaux entre 1946 et 1963 et ce sur toute la France.

Et puis, il y a Aimé SOUCHÉ. Vous l’avez déjà rencontré dans les textes publiés précédemment. Claude ALLARD dans l’article « Le certificat d’études de mon père » nous apprend qu’il cousine avec son père. Claudie BOURREAU dans celui sur « l’école de filles « Paul Bert » de Châtellerault » le cite comme étant l’inspecteur primaire pendant l’existence de cette école.

Aimé SOUCHÉ fait partie des instituteurs auxquels nous nous sommes intéressés pour préparer notre exposition de Bignoux. En prenant connaissance de son parcours, une chose semble évidente pour le définir : c’est quelqu’un qui n’a cessé de mettre en application l’étymologie du mot « instruire », c’est-à-dire mettre sur pied, former mais aussi fonder et instituer.

Aimé Honoré SOUCHÉ est né le 22 janvier 1888 à la Villedieu-du-Perron, paroisse de Saint-Martin de Pamproux dans les Deux-Sèvres, à la limite de la Vienne. Il est le fils unique d’Honoré et de Louise Pauline ARNAUDON, des paysans calvinistes. Son ascendance est essentiellement deux-sévrienne mais avec quelques incursions dans la Vienne.

Son parcours d’instituteur

Ecole, Brux, Vienne 86

Ecole des filles à Brux ▲ clic pour agrandir l’image

En 1899, il sera reçu premier du canton au certificat d’études. Constatant ses brillantes capacités, son instituteur va le préparer pour qu’il entre à l’école normale de Poitiers. Il y sera admis en octobre 1903. Il obtiendra son brevet supérieur en 1906 et son certificat d’aptitude pédagogique en 1909. Il exercera en tant qu’élève maître à Poitiers (1906), puis Latillé (1907), Neuville (1908) ou encore à Brux (1909).

Demande d’audience auprès de l’inspecteur d’académie, Neuville 19 mars 1909 © AD86 dossier cote 1 T 2 91 ▲ clic pour agrandir l’image

Le 04 septembre 1909, il épousera à Poitiers Julienne Marie LAURIN, institutrice à Gençay, née le 5 juillet 1886 à Mirebeau, fille d’Alexis Philibert, fabricant de chaussures, et de Delphine Léontine MARIE. Quelques mois auparavant, il avait annoncé son prochain mariage à sa hiérarchie et déjà il demandait un rapprochement pour que sa future épouse le rejoigne à Neuville où il était en poste. Visiblement il n’obtiendra pas gain de cause, puisqu’il sera muté à Brux en octobre 1909.

A partir de 1910, il sera nommé titulaire à Pindray où il y restera 8 ans. Il terminera sa carrière d’instituteur à Saint Savin avant d’être nommé inspecteur de l’enseignement primaire en 1919.

Dans son dossier d’instituteur, on trouve plusieurs lettres qu’il a adressées à son inspecteur d’académie pour réclamer un changement de poste. Il était semble-t-il très soucieux de sa qualité de vie familiale et de ses conditions de travail. Malgré des recommandations appuyées et très favorables, il n’a jamais été satisfait.

Lettre d’Aimé SOUCHÉ à l’inpecteur d’académie de Poitiers du 03 juillet 1913 – dossier 1 T 2 91 © AD86 ▲ clic pour agrandir l’image

Les rapports de l’inspection nous en disent plus sur ses conditions de travail.

Extrait du rapport d’inspection à Latillé, décembre 1907 © AD86 cote 1 T2 91 ▲ clic pour agrandir l’image

« le matériel est résistant mais d’un vieux modèle bien peu hygiénique » (rapport de 1907 à Latillé).

Extrait du rapport d’inspection à Pindray, novembre 1913 ©AD86 cote 1 T 2 91 ▲ clic pour agrandir l’image

« la cour est exigüe, boueuse ; on ne voit pas la possibilité de l’agrandir. […] Le mobilier est vieux et de modèle défectueux » (rapport de 1913 à Pindray)

Malgré ses conditions médiocres, il sera toujours bien noté :
« Monsieur Souché est un instituteur intelligent, laborieux, zélé qui s’intéresse à tout ce qui touche l’école, […] jouit dans sa classe d’un ascendant obtenu sans contraintes. Il a l’ambition légitime de voir ses efforts récompensés par un avancement qu’il attend avec une confiance un peu impatiente » (rapport d’inspection à Pindray 1912).

« Le zèle de M. Souché se maintient à la fois ardent, éclairé et méthodique. Son intelligence alerte et souple, sa grande puissance de travail, sa ferme volonté de bien faire, continuent à s’affirmer. […] C’est plaisir de constater la vie, l’effort intelligent, joyeux et fécond qui règnent dans cette petite école de campagne. […] Faut il reprocher à ce jeune maître une légère surabondance de notes et de gestes donnant parfois un air de fièvre à son activité ? une certaine impatience d’être remarqué, d’arriver ? […] Son mérite professionnel est à peine atténué par ces petites réserves ». (rapport d’inspection à Pindray 1913).

Parcours militaire.

En août 1914, alors âgé de 26 ans, il est mobilisé et affecté au 68e régiment d’infanterie. Très rapidement il se retrouve sur le front d’Ypres où sa compagnie sera décimée dans les combats du 05 octobre 1914. 70 de ses camarades tomberont et Aimé SOUCHÉ sera fait prisonnier le 06 novembre 1914. Entre 1914 et son rapatriement, il écumera de nombreux camps (Gardelegen en 1914, puis Merseburg en août 1915, transféré ensuite au camp de Wittenberg (février 1916) puis Quedlinburg (mars 1916). On le retrouve avec 1500 autres prisonniers à Schaulen en Pologne. Considéré comme un intellectuel, il va subir, au même titre que les ingénieurs, avocats, artistes, ou écrivains de nombreuses brimades (marches forcées et souffrance de la faim). Il finit par attraper une grippe infectieuse compliquée de congestion pulmonaire. Il sera rapatrié le 12 janvier 1919 très affaibli et malade.

Voir la fche matricule d’Aimé Souché.

Note de service du recteur d’académie de Poitiers annonçant la nomination d’Aimé Souché au poste d’inspecteur primaire, 25 août 1919 © AD86 dossier cote 1 T 2 91 ▲ clic pour agrandir l’image

Pendant la seconde guerre mondiale, il accomplira des actes de résistance notamment en facilitant les passages en zone libre et en servant de relais aux pilotes anglo-saxons abattus.

Les rapports de l’inspection académique et son comportement pendant la guerre nous laissent penser qu’il s’agit de quelqu’un de déterminé et persévérant. Il deviendra inspecteur des écoles trois jours seulement après avoir été démobilisé.

 

 

La grammaire d’Aimé SOUCHÉ

La méthode rose – Souché / Dénouel

Aimé SOUCHÉ est un des auteurs les plus prolifiques des éditions Nathan entre 1920 et 1970. Le catalogue de la BnF lui consacre pas moins de 166 notices du fait des très nombreuses rééditions. À côté de livres de calcul, morale, instruction civique, leçons de choses, il décline du cours élémentaire à la classe de 3e, de nombreux manuels « de français ». Son dernier ouvrage co-signé avec J. Grunenwald, « Grammaire française : leçons et exercices, cycle d’observation, classe de 5e », paraît en 1972.

Dans la revue « histoire de l’éducation », Anne-Marie Chartier dans son article « Faire lire les débutants : comparaison de manuels français et américains (1750- 1950) », fait l’analyse suivante :

Avant de travailler sur cette courte biographie, je ne pensais pas connaître cet instituteur. Et pourtant, en parcourant les documents que nous avons récoltés autour de lui (merci à Sandrine Pourrageau qui y a consacré beaucoup de temps), je me suis rendue compte qu’il m’était familier, surtout lorsque je suis tombée sur ses livres de grammaires. Dans les années 70, je trainais mes culottes courtes sur les bancs de l’école primaire et il y a des chances que j’aie planché sur les exercices de grammaire d’Aimé SOUCHÉ en CP ou CE1 même s’il ne me reste en mémoire que les exercices du fameux BLED.

Sources :
Archives départementales de la Vienne et des Deux-Sèvres
Liste des prisonniers du camp de Quedlinburg 1915-1920.
Souvenirs d’école : « La lecture courante et le Français au Cours élémentaire 2e degré » par Aimé Souché
Histoire de l’éducation : article « Faire lire les débutants : comparaison de manuels français et américains (1750- 1950) » par Anne-Marie Chartier.
Le Blog « Manuels anciens« .

#ChallengeAZ │ F… Une ferme école à l’Espinasse

En explorant les recensements de la commune d’Oyré, près de Châtellerault (86), j’ai découvert la présence d’une ferme école au hameau de l’Espinasse, en 1851.

L’Espinasse, cadastre 1831 © AD86

Le recensement de ce hameau mentionne la présence de 33 résidents, dont le propriétaire et directeur Louis Constantin Eugène MOLL avec sa famille, un sous directeur, un surveillant comptable et son épouse, un chef de pratique, un jardinier, une femme de confiance, un gagiste, une bergère, ainsi que 22 élèves. Ces élèves sont tous français et célibataires. Ils ont entre 16 et 29 ans, avec une moyenne d’âge d’environ 20 ans. Cette différence d’âge s’explique vraisemblablement par le service militaire, car il n’y a pas d’élève âgé de 21 à 24 ans. Ils sont tous de culte catholique, sauf deux protestants. Ils semblent venir essentiellement du département de la Vienne. On peut supposer que cette formation professionnelle coûteuse devait être accessible qu’à une certaine couche sociale.

Néanmoins, je vais vous présenter deux destins totalement différents de deux de ces étudiants :

Frédéric Léopol HINDRE naît le 18 juillet1833 à Dissay (86), fils de Alexis François HINDRE, chirurgien officier de santé et de Elisabeth MARROT. Issu d’une famille notable, après ses études à la ferme école de l’Espinasse, il est dit sans profession et domicilié au domaine de la Charmoise à Pontlevoy (41) en 1853, certainement placé dans sa famille. Il est exempté du service militaire en raison d’un frère à l’activité.

Louis François PATRI naît le 26 novembre 1831 à Poitiers (86), fils de François PATRI artisan cloutier et de Marie CAILLON, de famille plus modeste. Après ses études à la dite ferme école, il est mentionné exempté du service militaire lui aussi mais parce qu’il est fils aîné de veuve. Cela ne l’empêche pas de partir comme cultivateur à la Nouvelle-Orléans aux Etats-Unis, en 1851. Il fait parti des 20 000 français qui ont migré pour ce pays, à cette époque.

Qui était Louis Constantin Eugène MOLL ?

Portrait Louis MOLL, Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg © Gallica BnF

Il naît le 22 novembre 1809 à Wissembourg dans le Bas-Rhin. Fils de Jean Jacques Antoine MOLL et de Rosalie Pauline GRABINI, il apprend l’agriculture en Saxe en Allemagne (1828-1829), où il est influencé par l’enseignement du célèbre agronome allemand Albrecht THAËR. Il devient professeur d’agriculture à l’Institut de Roville, sous la direction de Mathieu de DOMBASLE (1830-1835). Il est professeur au conservatoire des arts et métiers à Paris (1836). Il participe à une mission agronomique en Algérie en 1842. Il est élu membre de l’Académie Royale d’Agriculture le 18/01/1843. Il s’unit le 29 octobre 1844 en la paroisse de Saint-Germain-des-Prés (Seine) avec Angélique Eugénie SMITH, fille de Jean Marie Emeric SMITH et de Marguerite Joséphine RENARD. Il est nommé chevalier de la Légion d’honneur le 11 octobre 1845 et promu officier par décret du 08/08/1867. On peut supposer qu’il acquiert par achat ou succession la propriété de l’Espinasse vers 1845. Il crée dans cette propriété une ferme école vraisemblablement pour plusieurs raisons : communiquer ses connaissances sur la culture pastorale mixte et l’élevage des moutons, pour défricher à moindre coût ses terres impropres à la culture, avec une manœuvre qui paye pour apprendre. C’est une bonne opération en soit qui permet aussi d’aménager les vieux bâtiments, détenus par la famille GUILLEMOT au cours des trois siècles et demi précédents, afin d’y accueillir tous les résidents.

Cette école a pu fonctionner au moins de 1850 à 1855, car elle n’existe plus en 1856 et l’annuaire-almanach du commerce, de l’industrie, de la magistrature et de l’administration de 1858 indique : « Ferme de l’Espinasse, ancienne ferme-école du département, Louis Moll *, propriétaire, culture pastorale mixte, établie sur défrichements ; beaux et vastes herbages remplaçant des landes improductives, élève de moutons ; pruneaux façon Tours, etc ».

M. MOLL rédige avec Nicolas Eugène GAYOT, ancien directeur général du haras de Pompadour et chevalier de la légion d’honneur (témoin au mariage de la fille du premier en 1875) : « La connaissance générale du mouton ; librairie de Firmin DIDOT, Frères, Fils et Cie, Paris, 1867 ».

Exemple de planche tirée de « La connaissance générale du mouton »

 

Il est fait chevalier de l’ordre religieux et militaire des Saints-Maurice-et-Lazare le 31 mars 1868. Il opte pour la nationalité française, après la guerre en 1871. Il est domicilié au 19 boulevard Saint-Martin à Paris en 1875 et il indique être domicilié à l’Espinasse dans un courrier du 29 août 1877. Il meurt le 29 novembre 1880 à Paris et est inhumé au cimetière du Père-Lachaise le 02 décembre 1880 (voir sa nécrologie dans le « Bulletin trimestriel de la Société d’agriculture de Joigny », juillet 1880, pages 70 à 73, sur le site Gallica)

Sa fille Marie Pauline Léonie MOLL est toujours propriétaire de l’Espinasse, en 1911. A la fermeture de l’école, l’exploitation agricole avait été gérée par la famille MOLL, avant d’être placée en métayage vers 1881. Les métayers MOREAU, BERJAULT, BOUTIN et ANTOINE s’y succédèrent.

La ferme école de l’Espinasse à Oyré est certainement la plus ancienne « classe agricole » du département de la Vienne. Alors n’hésitez pas à me prouver le contraire.

Sources : blog « Histoire de l’agriculture en Touraine »