#ChallengeAZ │ Y… Yteuil, une empreinte révèle une chapelle disparue

Iteuil, Vienne 86

Outre le meilleur moyen d’obtenir de belles salades et de beaux radis, bécher, l’exercice favori des jardiniers, s’avère parfois aussi un très bon moyen de remonter le temps et de tutoyer l’histoire locale.

Une mystérieuse chapelle

matrice de sceau, Iteuil, Vienne 86

Matrice de sceau trouvée à Iteuil ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

Il y plus de 30 ans un habitant du bourg d’Iteuil a découvert par hasard dans la terre de son potager un objet intrigant pour lui. Après nettoyage, il constata que c’était une matrice de sceau faite en bronze. L’objet est en très bon état de conservation, il a une forme oblongue et présente au dos un petit anneau qui permet de l’utiliser comme pendentif, c’est une matrice de sceau dite en navette. Ses dimensions sont 3 cm en longueur et 1,9 cm en largeur. Sur le devant au centre on distingue un félin dressé sur ses pattes arrières, appelé « lion rampant », avec tout autour un bandeau contenant un texte gravé à l’envers. La gravure de l’animal, vue sa taille, est de très bonne qualité, on reconnait parfaitement un félin, un lion, à l’exception de la tête plus stylisée. Une croix pattée se devine dans le coin haut de l’objet. Un autre sceau étudié a pour dimensions 4 cm sur 2,5 cm, dans les mêmes proportions que le premier, la confection de ces matrices était donc régie par des règles géométriques strictes.

Matrice de sceau, Iteuil, Vienne 86

Matrice inversée

En prenant une photo et en retournant cette vue on peut obtenir une image positive avec le texte écrit à l’endroit. On y déchiffre l’inscription suivante S’H’CAPELL’DEV ISTOLIO :
S pour Sigillum (sceau),
H c’est la première lettre d’un prénom (Hilaire Henri Haubert Hubert…),
CAPELL pour Capellanus (chapelain) ou Capella (chapelle),
DEV pour Deu (Dieu),
enfin Istolio est une forme ancienne et latine de l’écriture d’Iteuil connue par un texte de 1149.

La forme des lettres permet de dater l’objet. Laurent HABLOT du CESCM(1) qui a déchiffré l’inscription propose une date entre 1250 et 1300. C’est donc la signature (sceau) d’un certain H. chapelain de la chapelle de Dieu à Iteuil qui a vécu à la fin du 13ème siècle. Hélas ni le texte ni la figure gravée ne permettent d’en savoir plus sur ce personnage. Comment s’appelait-il précisément ? D’où venait-il ? Le « lion rampant » n’apporte aucune indication.

Il resterait à identifier précisément l’édifice religieux.

A Iteuil le prieuré de Mougon est connu ; la chapelle des Bourdille apparaît dans des textes ; aux villages d’Aigne de la Troussaie et de Bernay il y avait des prieurés et/ou des chapelles. Mais rien ne permet de rattacher le sceau à l’un ou l’autre de ces hameaux. Sur le cadastre napoléonien on ne trouve à Iteuil aucun lieu, aucun champ, faisant référence à une chapelle disparue. Là encore on ne peut pas avoir de réponse, de localisation. La recherche reste ouverte.

Louis Redet dans son dictionnaire toponymique de la Vienne fournit plusieurs autres écritures d’Iteuil, Estolio en 954, Istaol en 1108-1115, Ytolium en 1283, Ytuel 1324, Ytuilg en 1335, Ytuil en 1372, Yteuyl en 1398, Yteuil-Iteuil en 1400, Itueilh en 1426, Iteuilh en 1454, Isteuil en 1479, Ysteuil en 1596.

Dans son Pouillé Beauchet-Filleau cite les chapelles et prieuré de St-Etienne fondé par le sieur Bourdeil, de Mougon-Meugon et de la Troussaie. Jacques MELIN dans son excellent et érudit livre « pages d’Iteuil » parle des différentes chapelles et autres prieurés de cette commune. Il cite en particulier la chapelle en ruine du manoir de Bernay (pages 48 à 51), dont il ne reste que quelques morceaux, chapelle que l’historien LONGUEMAR cite comme ayant le vocable « Précurseur de Notre Seigneur » c’est un bon candidat pour être la chapelle-Dieu du sceau. Il parle aussi de l’ancien château d’Iteuil, de la seigneurie du même nom créé entre 1000 et 1100 selon ses dires (pages 63-64), décrit comme un tas de pierres dans un procès-verbal de visite daté du 06 mai 1653. Y-avait-il une chapelle dans ce château ? Était-elle notre chapelle-Dieu ?

Château de Bernay, Pages d'Iteuil, Jacques Melin, Vienne 86

Le manoir de Bernay, extrait de « Pages d’Iteuil » par Jacques MELIN ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

Manoir de Bernay, Pages d'Iteuil, Jacques Melin, Vienne 86

Chapelle en ruine du manoir de Bernay , extrait de « Pages d’Iteuil » par Jacques MELIN

Sur le cadastre Napoléon de 1825 (sources AD86), on voit apparaître un rond avec l’appellation « le Feuvé » correspondant à l’emplacement circulaire d’un château refuge du haut moyen-âge, à l’origine une simple enceinte en rondin de bois sur une motte entourée d’un fossé et s’appuyant sur le dénivelé du terrain d’un côté, qui fut ensuite fortifiée de murs en pierres. C’est le château d’Iteuil de la seigneurie du même nom. Sur une vue aérienne actuelle du bourg d’Iteuil, la construction de lotissements, l’installation d’une école, font que le cercle a en grande partie disparu, on ne distingue plus grand-chose si ce n’est l’arc de cercle correspondant au « passage Feuvet ».

Château d'Iteuil, cadastre, AD86, Vienne 86

Château d’Iteuil, cadastre Napoléon © Archives départementales de la Vienne ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

Avec toutes les précautions d’usage, en attendant confirmation ou non, la Chapelle de Dieu doit être très probablement soit celle de Bernay, monument que les éléments architecturaux permettent de dater du 14e siècle ou avant selon Jacques MELIN, soit celle du château d’Iteuil. Le lieu de la découverte dans un jardin d’une maison chemin des Jonchères ne permet guère de privilégier l’une ou l’autre des possibilités.

Je remercie chaleureusement monsieur J.C.P. qui a eu la gentillesse de me montrer et de me faire découvrir cette très belle matrice de sceau

(1) Centre d’études supérieures de civilisation médiévale


Sources : « Pages d’Iteuil » de Jacques MELIN, broché 207 pages, publication 1996

Pages d'Iteuil, Jacques Melin, Vienne 86

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#ChallengeAZ │ N… Nérignac, le curé doit savoir nager !

Un prêtre nageur entre Moussac et Nérignac

Au cours de mes recherches, en consultant les actes de la paroisse de Moussac, j’ai découvert un curé à l’abnégation remarquable, allant jusqu’au péril de sa vie, en traversant la rivière pour ses paroissiens.

Acte de décès, Moussac, AD86

Acte de décès de Gabrielle SAUVAGE – Moussac BMS 1768-1781 vue 17 © Archives départementales de la Vienne ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

« Gabrielle Sauvage métayère à la guigne fauderie au bourg de Nérignac s’étant trouvé à toute extrémité le 21 de ce mois de Novembre et désireuse de recevoir ses sacrements de Notre Mère la ste église, le curé de Moussac a esté les luy administrer et à son retour obligé de passer à la nage la petite rivière du blour qui sépare nérignac de moussac pour voir d’autres malades. La ditte Sauvage étant venue a décès La nuit du 21 au 22 et la Rivière trop gonflée il n’eut pas esté possible dapporter son corps pour linhumer dans le Cimetière de Moussac et pourquoy Le Sousigné voyant la Rivière un peu Retirée, s’est Exposé encor pour aller faire Linhumation du corps de la ditte Sauvage Cejourdhuy 24 9bre 1769 Dans le Cimetière de Nérignac au pied de la Croix du dit cimetière. La ditte Sauvage de son vivant épouse de jean grimaud au dit lieu presents le dit grimaud et autre jean grimaud et hylaire grimaud ses enfants, claude colasson, jean geais et plusieurs autres dudit bourg qui ont déclarés ne savoir signer de ce en qui et interpellés. Jabouin archiprestre Curé de Moussac. »

 Petite ou Grande Blourde ?

La rivière traversée par le curé téméraire est en fait la Grande Blourde et pas la Petite Blourde située beaucoup plus à l’Est et de plus en dehors de la paroisse de Moussac. La Grande Blourde entre les bourgs de Moussac et Nérignac mesure environ sept à quinze mètres de large. Nérignac était une section de la paroisse de Moussac. À de nombreuses reprises, au cours des siècles, lors des inondations, les curés ont témoigné de leurs difficultés à traverser la rivière, en raison des gués submergés, afin d’aller baptiser en urgence les nouveau-nés ou donner l’extrême onction aux mourants. Nérignac devient une commune en 1790 et possède sa propre église.

Où se trouvait donc le lieu de la Guigne Fauderie au bourg de Nérignac ?

Ce lieu n’apparaît sur aucune carte récente et n’est pas non plus mentionné dans le dictionnaire topographique de Louis Rédet. Seul l’ancien cadastre de 1835 mentionne un bâtiment près du bourg nommé « Tienne Fondrie » susceptible de correspondre. Celui-ci existe toujours et se trouve actuellement situé à l’angle de la rue de la Fontaine et de celle du Trémail.

Plan de situation, Nérignac, plan cadastral, AD86

▲ clic sur l’image pour l’agrandir

Qui était Gabrielle SAUVAGE ?

Gabrielle Antoinette dite Françoise Gabrielle ou encore dite Renée SAUVAGE est la fille de Charles et d’Anne TOURAUD, originaires d’Adriers. Elle s’unit le 12/11/1733 à Adriers à Jean GRIMAUD, laboureur né le 23/04/1703 à Moussac, fils de Gervais et de Jacquette BERTHOMIER. Ils ont au moins sept enfants, nés de 1741 à 1760. Jean GRIMAUD meurt à Nérignac le 16/01/1771 et est inhumé le lendemain au cimetière de Moussac.

Qui était Jean JABOUIN ?

Jean JABOUIN (°ca1728 †1788) archiprêtre de Lussac et curé de Moussac officie en la dite paroisse de 1756 à 1788, année de sa mort. De nombreux confrères sont présents à ses funérailles à Moussac :

« Le dix du mois de Septembre de l’année mil sept cent quatre vingt huit je soussigné ay inhumé dans le cimetière de cette paroisse le corps de messire jean jabouin archiprêtre de lussac et curé de moussac qu’il a conduit lespace de trente ans avec tout le zele et ledification dignes de son merite et ou il est decedé hier aagé d’environ soixante ans et munis des sacrements, presents à son enterrement messire jean Comte curé de gouex, messire pierre françois bonnet curé de perzac, messire hippolite jean baptiste barrier prieur curé de St paixent, messire jean gaujoux prieur curé du vigean, messire jean Laurendeau Curé de lizant, messire henri louis galliard Curé de queaux celebrant et autres avec nous soussignez.    J Comte curé de gouez    p.f. Bonnet curé de persac   h.j.B. Barrier pr curé de st paixant    Gaujoux prieur curé du vigean    martin deshoulieres p. curé de lisle     jean hubert vic. de persac    Etienne Leonard Carteau Diacre    Laurendeau curé de Lizant    Bernardeau de Valence    h.l. Gaillard curé de queaux officiant comme doyen des curés de Larchiprêtré »

Acte d’inhumation du curé Jabouin – Moussac BMS 1782-1792 vue 80 © Archives départementales de la Vienne ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

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#ChallengeAZ │ E… Essomont, consentements multiples pour un mariage sous haute surveillance

Situation de la chapelle disparue d’Anxaumont sur le cadastre napoléonien © Archives départementales de la Vienne ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

ESSOMONT à ANXAUMONT, une paroisse disparue

Son nom vient du latin ECCLESIA DE EXCELSO MONTE qui signifie l’église du mont élevé (130 m). Mais elle connut beaucoup d’orthographes différentes : Essomont en 1252 – Enxomont en 1264 – Ecclesia de exomundo, de Essomonte – De Exceso monte en 1322 – Exomont en 1344 – St André d’Anxaumont en 1447 – Anxaumont en 1487 – Ansaumont en 1508 – Anxomond en 1547 – Anxaulmond en  1647 – En Saumon en 1748 – pour devenir définitivement ANXAUMONT. (Dictionnaire topographique du département de la Vienne, Gallica)

La Révolution érigea cette petite paroisse en commune, mais la déposséda de son église. Heureusement, si l’église est devenue une maison d’habitation, si le cimetière a disparu, les registres paroissiaux  de 1693 à 1792 ont été sauvés. En 1820, elle a fusionné avec Sèvres, en oubliant son nom. Mais il fut rappelé en 1939 pour devenir SÈVRES-ANXAUMONT.

Un mariage et de multiples consentements

Le 4 août 1767 a été célébré dans cette petite paroisse le mariage de François FOUCHER DAUBIGNY, fils de François et de Louise FLAMMANT, et Françoise DUNOYER, fille de Philippe Nicolas DUNOYER de Laubenelière et de Marie Thérèse DANFER. Les publications ont été faites dans les paroisses de Saint-Didier et Saint- Michel de Poitiers mais le mariage a été célébré dans la chapelle de Beaulieu dépendante de la paroisse d’Anxaumont. Cette chapelle Notre-Dame a été fondée en 1657 par Martial de LA MONNERIE et son épouse Anne CHESSÉ. (Il serait intéressant de chercher le lien avec l’un ou l’autre des mariés)

A la lecture de l’acte de mariage, on constate que de nombreuses personnalités sont intervenues pour que la cérémonie puisse avoir lieu.

Tout d’abord, il a fallu une autorisation de l’évêque pour que le mariage soit célébré dans cette chapelle et pour que ce soient les curés de Saint-Didier et d’Anxaumont qui officient.

L’évêque autorise « M. le curé de St didier ou autre » de procéder au mariage « dans la chapelle de la maison de beaulieu paroisse d’anxomont », août 1767 ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

Le curé de Saint-Didier « consent que monsieur le curé Dansaumont ou quel autre prestre il voudra commettre, donne la bénédiction nuptiale aux dites parties contractantes quand il le jugera à propos », Poitiers 3 août 1767 ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

Puis, le futur marié ne devant pas être majeur, son père devait donner son consentement. On peut même penser que le futur marié et son père étaient fâchés puisque c’est sa sœur, Marie Louise Thérèse, qui a intercédé auprès du père pour obtenir son consentement en lui détaillant toutes les qualités de Françoise DUNOYER. Le père qui habite à Tours a répondu ce qui suit :

Acte de consentement du père du futur marié déposé à Tours le 24 juillet 1767

▲ clic sur l’image pour l’agrandir

« Ma chere fille jay été étonné que votre lettre ne me sois parvenue que hier sur les six heures du soir étant dattée du huit du présent mois ; je ne pouroist que vous souhaiter ardemment que j’accorde a votre frère mon consentement pour quil epouse la demoiselle quil a en vue, pour vous satisfaire l’un et l’autre, persuadé dailleurs quelle a toutes les qualités dont vous me faittes le détail par votre lettre. Je vous envoye … mon consentement l’heure de la poste me presse ce qui fait que je ne métend pas davantage, votre père signé Foucher Daubigny. […].Je soussigné Foucher Daubigny père de François Foucher son fils consent qu’il contracte son mariage et quil epouse mademoiselle Desnoyer. En foy de quoy jay signé, signé Foucher Daubigny »

 

 

Cette lettre a été contrôlée, certifiée et enregistrée à Tours chez Maîtres DREUX et HUBERT…

Consentement de Mr Foucher Daubigny père du futur marié, certifié et contrôlé par le cabinet de notaire de Tours ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

… Et c’est Louis Nicollas RESTRU, conseiller du roy, qui a certifié que ces notaires étaient bien de Tours !

Certificat de Louis Nicolas RESTRU, conseiller du roi ▲ clic sur l’image pour l’agrandir

Les publications faites « sans qu’il se soit trouvé aucun empêchement canonique ni civil » et après présentation « du consentement spécial et pouvoir » portés par « Maître Felix François GOUPY greffier des eaux et forêts de Poitiers, ami du marié », le mariage a enfin été célébré le 4 août 1767 en la chapelle d’Anxaumont.

Les mariés et témoins ont signé !

Clôture de l’acte de mariage. Les mariés et les témoins ont signés. © Archives départementales de la Vienne ▲ clic sur l’image pour l’agrandir


Sources : 

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Saint-Pierre-de-Maillé, un inconnu retrouve son identité

 

Saint Pierre de Maillé, moulin

Le pont et le moulin – Saint Pierre de Maillé © collection-jmf.fr

Nous sommes à Saint-Pierre-de-Maillé le premier jour de l’année 1903. Le premier acte inscrit au registre de l’état civil est celui de « la découverte du cadavre d’un inconnu ».

Ce 01 janvier 1903, Clément LANÇON, chiffonnier, et Philippe MONET, garde champêtre, sont venus déclarer le décès d’un individu visiblement noyé dans la Gartempe. Le maire de la commune va prendre la peine de décrire très précisément l’inconnu : il paraissait être « âgé d’environ soixante ans, de taille moyenne, ayant la barbe grise et longue d’environ dix centimètres, chauve, vêtu d’un pantalon d’étoffe brune, d’un gilet de même couleur recouvrant un gilet marin rayé de blanc et de bleu et chaussé de brodequins en bon état ».

AD86, Saint Pierre de Maillé, registre des décès, 1903, découverte d'un inconnu

Découverte du cadavre d’un inconnu – registres AD86 D 1903-1906 vue 1

Le 02 janvier 1903, le malheureux sera inhumé probablement dans la fosse commune du cimetière de la paroisse.

Qui est donc cet homme qui est venu s’échouer au bord de la Gartempe ? Est-ce un voyageur ou un mendiant ? S’est-il noyé accidentellement ? S’est-il suicidé ?

Les périodiques de l’époque nous en disent plus sur les circonstances de la découverte du corps. Ainsi, La Semaine du 11 janvier nous apprend que dans la matinée du 01 janvier Clément LANÇON naviguait sur la Gartempe et alors qu’il atteignait l’écluse près du vieux moulin des Cottets aux environs du lieu dit Jutreau, son regard se porta sur une forme qui était accrochée aux branches. En s’approchant, il découvrait le corps d’un individu qui semblait avoir séjourné depuis plusieurs jours dans l’eau. Ne pouvant déplacer le corps tout seul, le chiffonnier demanda l’aide du garde champêtre et de l’adjoint au maire. Ils déposèrent le corps sur la rive. Personne ne reconnut l’individu et apparemment il ne portait aucun document sur lui qui aurait pu l’identifier ou en tout cas donner une indication sur son lieu d’origine. D’après le Journal de la Vienne du 06 et 07 janvier, on ne trouvera « dans ses poches qu’une clef, deux mouchoirs et un porte-monnaie renfermant une somme de 12 fr. 80 ».

Plan situation Saint-Pierre-de-Maillé, Jutreau

Situation du lieu de découverte du cadavre

La Semaine du 11 janvier précise que le corps avait « été examiné par M. le docteur HAUPERT qui a constaté deux coupures à la tête, l’une au-dessus de l’oreille droite, l’autre au front, mais a déclaré qu’il y avait tout lieu de supposer que ces blessures avaient été faites par la traversées des écluses ».

Cette histoire aurait donc pu rester un simple fait divers avec quelques entre filets dans les journaux et nous n’aurions jamais connu l’identité du décédé.

Pourtant dès le 03 janvier 1903, quatre personnes se sont présentées pour une déclaration de reconnaissance que l’on peut également consulter sur les registres. Il y avait Pascal DEFORGES, Jean GUILLEMOT, Marie DEFORGES et Théodore GALLET qui disent avoir un lien de parenté avec l’inconnu et demandent l’exhumation du cadavre. Ils ont du être assez convaincants car le maire va ordonner l’exhumation accompagné par le garde champêtre et le maçon, Antoine MERIGARD. Après l’ouverture de la bière, ces quatre personnes reconnaissent officiellement Vincent DEFORGES qui avait disparu depuis la nuit du 26 au 27 novembre 1902 et qui n’était autre que leur frère et oncle.

Vincent DEFORGES était originaire de Montmorillon. Sa famille qui était venue le reconnaître arrivait de Jouhet et Haims. Ils ont tous fait un sacré bout de chemin pour arriver à Saint-Pierre-de-Maillé. On peut donc se demander comment la famille avait appris le tragique destin de Vincent DEFORGES ? Là encore la presse va nous donner quelques pistes puisque La Semaine du 11 janvier mentionne qu’une photographie avait été prise avant l’inhumation et qu’une enquêté avait été diligentée pour établir l’identité du noyé. On peut supposer que le maire avait communiqué le signalement à la gendarmerie qui avait peut être fait le lien avec une déclaration de disparition et cela permit à la famille de se présenter rapidement pour l’identification.

Le 18 janvier 1903, le décès de Vincent DEFORGES sera transcrit sur le registre de l’état civil de Montmorillon sur présentation d’un procès verbal du procureur de la République de Montmorillon.

Nous ne saurons rien sur les circonstances exactes du décès. Pour finir cette anecdote : heureusement que des personnes ont pu identifier notre inconnu, car dans la presse locale de l’époque il avait été nommé « Vincent TAUPIER »… sans doute un amalgame avec sa profession de ratier. Malgré cette approximation, la consultation de la presse ancienne en ligne aux Archives départementales de la Vienne, nous donne la possibilité de retracer le parcours de vie, si triste et si minime soit il.

CGP Cercle Généalogique Poitevin, anecdotes, saint-pierre-de-maillé, noyé dans la Gartempe en 1903, Journal de la Vienne

Extrait du Journal de la Vienne du 04 janvier 1903

Les protagonistes :

Vincent DEFORGES, le défunt, est né le 23 février 1845 à Journet et est le fils de Joseph et d’Anne PENOT. Il épousera Jeanne THOMAS le 14 juin 1869 à Sillars. Jeanne décédera le 14 septembre 1871 à Sillars. Elle avait donné naissance à leur fils unique Jean le 21 décembre 1870 qui disparaîtra à son tour le 28 avril 1887 à l’âge de 16 ans. 

Marie DEFORGES, domiciliée à Jouhet, est née le 11 avril 1841 à Jouhet et est la sœur consanguine du défunt. Elle est issue du premier mariage de Joseph DEFORGES avec Marie TABUTEAU. Elle épousera Pierre GALLET le 15 avril 1872 à Saint-Léomer. Elle aura 4 enfants dont Théodore GALLET, présent à la reconnaissance du défunt, et est veuve depuis 1891.

Pascal DEFORGES, cultivateur domicilié au Bois Clairet à Journet, est né le 18 mai 1853 à Journet et est le frère germain du défunt. Il est le dernier des enfants de Joseph DEFORGES et Anne PENOT.

Jean GUILLEMOT, cantonnier à Haims, est né le 04 avril 1841 à Journet et est le frère utérin du défunt. Il est issu du premier mariage d’Anne PENOT avec Germain GUILLEMOT. Il épousera Marie Lucette PORCHERON le 13 juin 1871 à Journet avec laquelle il aura deux enfants.

Théodore GALLET, cordonnier à Jouhet, est né le 01 juillet 1877 à Saint-Léomer. Il est le neveu du défunt et fils de Pierre et Marie DEFORGES (citée précédemment).

généalogie Vincent DEFORGES noyé à Saint-Pierre-de-Maillé 1903, originaire de Montmorillon, recherches Cercle Généalogique Poitevin

Famille étendue de Vincent DEFORGES, clic pour agrandir l’image

Bon pied, bon oeil à 100 ans !

Paysan, gravure de Jacques Adrien Lavieille,

« Paysan » par Jacques Adrien LAVIEILLE (1818-1862), illustration pour la « Comédie humaine » d’Honoré de BALZAC

En 1900, l’Insee estimait qu’il n’y avait qu’une centaine de personnes ayant atteint plus de 100 ans. En 2016 on en dénombrait près de 21 000. L’évolution de la médecine et des conditions de vie a permis d’améliorer considérablement l’espérance de vie. Mais en 1700 nos ancêtres pouvaient ils espérer atteindre un si grand âge et surtout « jouir de la meilleure santé et de tout son bon sens » ? C’est ainsi qu’est décrit un centenaire de La Chapelle-Montreuil le 24 mars 1774 dans les Affiches du Poitou (cf 24 mars 1774 pages 27/29, reproduit en respectant l’orthographe d’origine) :

« Il existe actuèlement dans la paroisse de la Chapelle-Montreuil-Bonnin, à 3 lieues & demie de Poitiers, un vieillard nommé Simon Millet, qui a eu 100 ans révolus le 16 Octobre dernier. Ce vieillard n’est point courbé, il a toujours été extrêmement vigilant& laborieux ; il est d’un tempérament sec, jouit de la meilleure santé & de tout son bon sens, & n’a d’autre infirmité que d’être très sourd ; il tient encore le timon de la communauté qui subsiste entre lui, ses enfans & petits enfans, au nombre de douze ; il vaque journèlement au labourage, & au soin des bestiaux, qu’il ne croiroit pas bien traités s’il n’y mettoit la main ; il a fait cette année, comme les précédentes, une grande partie de ses emblaisons ; il fait volontiers trois & quatre lieues à pied, & monte seul à cheval ; il a la vue excellente, & la main si sûre qu’il se rase lui même ; il est dans l’usage, & il le fit encore l’année derniere, malgré les représentations de ses enfans, de coucher sous une cabanne, depuis environ la St Jean, jusqu’à la fin de Septembre, dans l’aire où on réunit les objets de la récolte, à la conservation desquels il veut veiller lui-même, ayant son chien auprès de lui. Il fit encore l’année derniere un acte de force que n’avoit pu faire un homme de 20 ans ; il chargea seul sur ses épaules un sac de blé pesant 120 liv, & le monta dans un grenier, où on se peut aborder que par une échelle ; il est né dans la métairie qu’il exploite, & y a toujours demeuré. »

Nous avons retrouvé la trace de ce Simon MILLET dans les registres. Il est décédé le 28 janvier 1779 à La Chapelle-Montreuil à l’âge de 108 ans. Lors de son inhumation étaient présents ses enfants Jean et François MILLET et son petit-fils Louis SAPIN.

Si l’on tient compte de ces deux sources, Simon MILLET serait peut être né un 16 octobre entre 1671 et 1674. S’il est effectivement né à La Chapelle-Montreuil, nous ne pourrons pas confirmer sa date de naissance puisque les archives en ligne de cette commune ne démarrent qu’en 1732 !

Et vous, avez-vous rencontré des centenaires parmi vos ancêtres dans la Vienne ?